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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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Voilà.
    Elle ouvrit enfin la bouche pour demander d’une voix timide :
    — Hector, qui est-ce donc ?
    — C’est Pâris.
    Une lueur étrange apparut dans ses yeux. Voilà une femme avec laquelle il me faudrait compter, quand elle serait plus à son aise.
    — Mon Andromaque a du courage, remarqua Hector avec fierté en lui passant le bras autour de la taille. Elle a quitté son pays et sa famille pour me suivre à Troie.
    — C’est en effet courageux, répondis-je poliment, sans plus rien ajouter.
     
    Je m’habituais peu à peu à la vie monotone qu’on menait à la citadelle. Tandis que la grêle crépitait sur les volets en écaille de tortue, que la pluie tombait en cascade du haut des murailles ou que la neige recouvrait les cours, je rôdais et furetais partout à la recherche d’une femme qui fût aussi désirable que les bergères du mont Ida. Occupation lassante, sans nul défi à relever, ni aucun exercice physique. Hector avait raison. Si je ne trouvais rien de mieux à faire que de déambuler le long des corridors, je serais bientôt bedonnant.
    Quatre lunes après mon retour, Hélénos vint me rendre visite. Il faisait beau et, des fenêtres de mes appartements, la vue sur la cité jusqu’au port de Sigée et l’île de Ténédos était magnifique.
    — Si seulement j’avais autant d’influence que toi sur père, Pâris ! soupira Hélénos.
    — C’est que tu es encore si jeune !
    Hélénos était un bel adolescent imberbe, aux cheveux bruns et aux yeux noirs, comme tous les enfants d’Hécube. Il avait un statut particulier. On racontait des choses étranges sur lui et sa jumelle, Cassandre. Ils avaient dix-sept ans. Trop d’années nous séparaient pour que nous ayons pu établir des relations intimes. En outre, Cassandre et lui étaient doués de seconde vue, ce qui mettait mal à l’aise les autres frères et sœurs – surtout vis-à-vis de Cassandre, qui était à demi folle.
    On les avait dès la naissance voués au service d’Apollon et s’ils n’appréciaient guère la façon dont on avait réglé leur destin, jamais ils n’en soufflaient mot. Selon la règle édictée par le roi Dardanos, à Troie les oracles devaient être rendus par un fils et une fille du couple royal, de préférence des jumeaux. Aussi Hélénos et Cassandre avaient-ils été élus. Pour le moment ils jouissaient encore d’une certaine liberté, mais dès leurs vingt ans ils seraient officiellement confiés aux bons soins des trois gardiens du sanctuaire d’Apollon à Troie : Calchas, Laocoon et Théano, la femme d’Anténor.
    Hélénos portait l’ample toge des prêtres. Je remarquai son air rêveur et sa grande beauté, alors qu’il contemplait la ville de ma fenêtre. Il me préférait à tous ses autres frères, parce que la guerre me répugnait autant que la chasse. Bien que sa nature austère et ascétique ne pût s’accorder avec celle d’un coureur de filles tel que moi, il appréciait ma conversation plus pacifique que guerrière.
    — J’ai un message pour toi, dit-il sans se retourner.
    — Qu’ai-je donc fait ? soupirai-je.
    — Rien. On m’a simplement chargé de te prier de venir à une réunion, ce soir après souper.
    — J’ai déjà un rendez-vous.
    — Tu ferais bien de l’annuler. C’est père qui te fait mander.
    — Par Zeus ! Pourquoi moi ?
    — Je l’ignore. Ce sera un petit comité. Juste quelques princes, ainsi qu’Anténor et Calchas.
    — Curieux assortiment. Qu’arrive-t-il ?
    — Vas-y et tu sauras.
    — Bien, j’irai. Y es-tu convié ?
    Hélénos ne répondit pas. Son visage se convulsa, il avait cet étrange regard intérieur qu’ont les mystiques. Ce n’était pas la première fois que je le voyais en transe. Il se mit soudain à trembler avant de reprendre son air normal.
    — Qu’as-tu vu ?
    — Ce n’était pas clair, dit-il lentement en essuyant la sueur sur son front. J’ai senti une agitation, une commotion, le début d’une turbulence qui s’amplifiait sans qu’on pût y mettre fin.
    — Tu as pourtant bien vu quelque chose, Hélénos !
    — Des flammes… Des Grecs en tenue de combat… Une femme si belle que ce doit être Aphrodite… Des centaines et des centaines de navires… Toi, père, Hector…
    —  Moi  ? Mais je n’ai aucun rôle ici.
    — Crois-moi, Pâris, tu as un rôle à jouer, continua-t-il d’une voix lasse puis, se levant soudain, il ajouta :
    — Il faut que je parle à Cassandre.

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