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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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qu’avait pu ressentir Diomède ; moi , j’avais éprouvé du plaisir.
    Un plaisir encore visible le lendemain soir, quand je m’assis à côté du trône de mon père ; pourtant personne ne le remarqua. Diomède se trouvait parmi la foule, en compagnie de Philoctète et d’Ulysse, trop loin pour que je puisse discerner son expression. La salle était plongée dans une semi-obscurité peuplée d’ombres. Les prêtres firent leur entrée, enveloppés d’un nuage d’encens ; insidieusement, l’atmosphère se fit pesante et solennelle.
    Mon père reprit les mots d’Ulysse. La tension montait. Puis arriva le cheval destiné au sacrifice, un étalon d’une blancheur immaculée.
    Ses sabots glissaient sur les dalles usées tandis qu’on le tirait par son licol doré. Agamemnon saisit la hache à double tranchant et l’abattit avec force et précision. L’étalon s’affaissa lentement sous une pluie écarlate, la queue et la crinière flottant comme des herbes dans les ruisseaux de son sang.
    Horrifiée, je regardai les prêtres qui découpaient le magnifique en quatre quartiers. Jamais je n’oublierai la scène : un à un les prétendants s’avançaient et, debout en équilibre sur les quartiers encore fumants de l’animal, prêtaient le terrible serment, jurant loyauté et allégeance à mon futur époux. En cet instant tragique, les voix étaient devenues mornes, éteintes, toute virilité avait disparue. Des visages blêmes et couverts de sueur défilaient à la lueur vacillante des torches, tandis qu’au loin le vent gémissait telle une âme errante.
    Enfin ce fut terminé. La carcasse du cheval gisait, abandonnée. Les prétendants, comme drogués, levaient les yeux vers le roi.
    — J’accorde ma fille à Ménélas, déclara mon père.
    On entendit le soupir de cent poitrines, rien d’autre. Personne ne protesta. Même Diomède n’eut aucun mouvement de colère. Nos regards se croisèrent tandis que les esclaves allumaient les lampes ; C’est de loin que nous échangeâmes un adieu, nous nous savions vaincus. Les larmes coulaient sur mes joues, mais nul ne les remarqua. Je glissai ma main inerte dans la paume moite de Ménélas.

5
    Récit de Pâris
     
    Je retournai vers Troie à pied, seul, arc et carquois en bandoulière. J’avais passé sept lunes dans les forêts et les clairières du mont Ida, pourtant je ne rapportai aucun trophée. J’adorais la chasse, mais je ne pouvais supporter de voir un animal abattu d’une flèche ; je préférais voir les bêtes tout aussi libres que moi. Je préférais courir après les farouches bergères qui vont par les bois. Quand une fille s’avoue vaincue, la seule flèche qui la transperce est celle d’Éros ; le sang ne coule pas, la victime ne gémit pas, au contraire elle pousse un soupir de satisfaction quand je la prends dans mes bras, tout essoufflée de la poursuite et prête à haleter en goûtant à d’autres plaisirs.
    J’avais l’habitude de passer printemps et été sur le mont Ida. La vie à la Cour m’ennuyait royalement. Enfermé derrière ces hautes murailles, j’étouffais. Je ne souhaitais qu’une chose, courir sur l’herbe et entre les arbres, pour enfin m’allonger, épuisé, le visage enfoui dans les feuilles mortes, à humer leur parfum. Mais, chaque automne, il me fallait rentrer à Troie et y passer l’hiver avec mon père. C’était mon devoir.
    Je pénétrai dans la salle du trône, par un jour de grand vent, encore habillé en montagnard, prétendant ne pas voir les sourires de pitié désapprobatrice qui accompagnèrent mon entrée. Il faisait presque nuit, le conseil avait été, semble-t-il, très long.
    Mon père, le roi, était assis sur son trône d’or et d’ivoire. Du haut de l’estrade de marbre rouge, il dominait la salle. Ses longs cheveux blancs étaient soigneusement bouclés et l’on avait tressé son immense barbe de fils d’or et d’argent. Fier de son grand âge, il n’était jamais si heureux que lorsqu’il trônait, tel un dieu sur son piédestal et contemplait ses possessions.
    Dans une salle moins imposante, le spectacle qu’offrait mon père aurait été moins saisissant, mais elle était – disait-on – plus vaste et plus superbe encore que la salle du trône de l’ancien palais de Cnossos, en Crète. Son haut plafond, entre les poutres de cèdre, était peint en bleu et constellé d’étoiles dorées. Les murs étaient de marbre rouge et nus jusqu’à hauteur

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