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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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respectait, on m’adorait. En songeant au passé, je me rendis compte que, là-bas, ma vie était bien remplie avec la chasse, le sport, les fêtes, la Cour et toutes sortes de distractions. Pourtant, me semblait-il, le temps me pesait déjà, mais à l’époque j’ignorais ce qu’était véritablement l’ennui.
    J’appris ce que c’était dès que je vins à Troie. Ici, je ne suis pas la reine. Ici, je n’ai nulle importance. Je suis la femme d’un fils de roi, je suis une étrangère haïe, enfermée dans un carcan de règles et d’obligations auquel je ne peux me soustraire. Et il n’y a rien à faire, nulle part où aller ! Il ne m’est plus possible, d’un simple geste, d’ordonner qu’on m’amène un char et de me rendre à la campagne ou de regarder des hommes jouer, des soldats faire l’exercice. Je suis prisonnière de la citadelle. J’ai essayé de m’aventurer dans la cité, et alors tout le monde m’a traitée de sale petite grue. Ne savais-je donc pas que des hommes qui rôdent auprès des tavernes, en voyant mes seins nus, me violeraient ?
    Mes appartements et les salles dans lesquelles se réunissaient les femmes des nobles étaient les limites de mon univers. Quant à Pâris, mon merveilleux Pâris, c’est bien un homme. Il n’en fait qu’à sa tête. Je lui sers pour l’amour. Et l’amour ne dure qu’un moment lorsque les amants n’ont plus rien à découvrir l’un de l’autre.
     
    Après la venue des Grecs, ma vie se fit plus insupportable encore. On me considéra comme un oiseau de mauvais augure et on me rendit responsable de l’arrivée d’Agamemnon. D’abord j’essayai de convaincre la noblesse troyenne : Agamemnon ne ferait jamais la guerre pour une femme, fût-elle sa belle-sœur. Il avait envisagé la conquête de Troie depuis le jour où j’avais été accordée à Ménélas. Personne ne voulut m’écouter. C’était ma faute si les Grecs étaient sur la côte de l’Hellespont, si une cité grecque se bâtissait derrière le mur entre le Simoïs et le Scamandre. Tout était ma faute  !
    Priam était fort inquiet, le pauvre ! Il envoyait continuellement des messagers à la tour de guet ouest pour savoir où en étaient les Grecs. Tant que ceux-ci ne manifestèrent pas leur intention de rester, il rit. Quand ses alliés lui promirent de l’aider, il s’en réjouit. Mais quand le mur de défense commença à s’élever, sa mine s’allongea et ses épaules s’affaissèrent.
    Je l’aimais bien, même s’il lui manquait la force et l’énergie d’un roi grec. En Grèce, il fallait se battre pour garder ce qui vous appartenait. Les ancêtres de Priam, eux, régnaient depuis une éternité. Son peuple l’aimait bien plus que les peuples grecs n’avaient jamais aimé leurs rois. Étant sûr de rester sur le trône, il accomplissait ses obligations royales avec moins de sérieux. La parole des dieux ne lui importait pas autant.
    Le vieil Anténor, beau-frère du roi, ne manquait pas une occasion de me critiquer. Je le détestais plus que Priam ne le haïssait, ce qui n’est pas peu dire. Toutes les fois qu’il fixait sur moi ses yeux chassieux, j’y lisais l’hostilité. Quand il ouvrait la bouche, c’était pour m’accabler de reproches. Pourquoi refuser de me couvrir les seins ? Pourquoi battre mon esclave ? Pourquoi ne savais-je pas tisser et broder, comme toutes les femmes ? Pourquoi avais-je la permission d’assister aux conseils ? Pourquoi donnais-je mon opinion, alors que les femmes ne pouvaient en avoir ?
    Quand le mur sur l’Hellespont fut terminé, Priam perdit patience.
    — Tais-toi donc, vieux nigaud ! hurla-t-il. Agamemnon n’est pas venu ici pour récupérer Hélène. C’est Troie et l’Asie Mineure qu’il veut ! Il veut implanter des colonies grecques sur nos terres, il veut remplir ses coffres de nos trésors, il veut faire entrer ses navires dans le Pont-Euxin. La femme de mon fils lui sert de prétexte. La rendre serait jouer le jeu d’Agamemnon. Je ne veux plus jamais t’entendre parler d’Hélène ! C’est compris ?
    Anténor baissa les yeux et fit une ironique courbette.
     
    Les États d’Asie Mineure commencèrent à envoyer à Troie leurs ambassadeurs. Ils étaient nombreux au conseil suivant auquel j’assistai. Je ne me rappelle pas tous les noms, des noms comme Paphlagonie, Cilicie, Phrygie. Priam réserva son meilleur accueil à l’envoyé de Lycie. Il s’appelait Glaucos et régnait sur la

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