Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
Vom Netzwerk:
ma mère, que je ne suis pas morte parmi les dragons et que jamais je n’ai eu d’embonpoint mal placé.
    —  À cet égard, je vous rends toute justice. Votre sagesse m’a assuré sur le passé et me rassure sur l’avenir. Continuez comme vous avez commencé pour votre perfection. Avec le secours de Dieu, la grâce de Notre Seigneur, l’autorité de la loi, la protection du roi et de la reine, rien ne vous manquera.
    —  C’est aussi à quoi je travaille, en combattant selon l’efficace qui agit puissamment en moi. Je ne suis pas saint Augustin, mais vous êtes, ma mère, sainte Monique qui me convertissez par vos prières et votre exemple.   »
    Un tel dialogue écrit huit ans plus tard par d’Éon a toutes les apparences ici encore d’une justification a posteriori et appelle bien des commentaires sur sa métamorphose.

Tonnerre en émoi
    Le retour du chevalier faisait évidemment le sujet de toutes les conversations. Il était populaire, on l’aimait bien, car il n’avait jamais cessé de s’intéresser à sa ville natale et à ses habitants. Cependant la curiosité l’emporta sur la sympathie. On avait suivi ses démêlés avec le comte de Guerchy, on savait qu’il avait beaucoup voyagé et qu’il entretenait les plus hautes relations de par le monde. Imaginer que cet homme célèbre, dont on connaissait la famille, qui avait passé son enfance et une partie de son adolescence à Tonnerre, pût être une femme, paraissait inconcevable. On ne pariait pas sur son sexe comme en Angleterre, mais on se posait bien des questions. D’après lui, la ville était divisée en deux camps   : les prêtres et leurs inévitables punaises de sacristie d’un côté, les militaires et les notables éclairés de l’autre. Cette petite guerre civile municipale lui valut un courrier abondant. Les officiers, persuadés qu’il était un homme, l’encourageaient à conserver son uniforme de dragon et à reprendre du service. Au contraire les membres du clergé l’exhortaient à revêtir au plus vite des vêtements de femme. Il reçut même une lettre anonyme lui interdisant d’entrer dans une église parce que l’attention des fidèles se porterait uniquement sur lui. Les bigotes de Tonnerre s’étaient juré de ne pas ouvrir leur salon à la chevalière tant qu’elle ne paraîtrait pas dans la tenue qui devait être la sienne. Mme d’Éon lui dit que les hommes avaient décidé de le provoquer par les femmes puisqu’elles n’avaient rien à craindre. «Pourquoi oubliez-vous, ma mère, de dire par les prêtres, qui sont pires que les femmes   ?» répondit d’Éon {205} .
    Un jour, il reçut une lettre du confesseur de sa mère   ; le vieil abbé tenait à rencontrer l’enfant de sa pénitente avant sa mort. D’Éon se rendit auprès de lui. Après les politesses d’usage, le prêtre lui dit   :
    «Pourquoi ne vous confessez-vous pas à moi   ? Je pourrais apporter quelque soulagement à votre état.
    —  Mon révérend père, je ne suis pas préparé à cela. Je me confesse à Dieu avant de me confesser aux hommes, car ce n’est point les hommes que j’ai offensés.
    —  Mais vous avez un péché d’habitude dont je voudrais vous débarrasser.
    —  Quel est-il donc, mon révérend père   ?
    —  C’est de porter l’habit d’homme   ; vous devez bien vous douter que votre naissance et votre éducation n’est pas un mystère pour moi.
    —  Ne jugez point selon l’apparence des personnes   ; si par la confession vous savez quelque chose contre moi, vous devez vous taire. Si vous savez que je suis fille d’après mon procès à Londres et à Versailles, j’en sais autant que vous et le public autant que nous. Prenons patience   ; n’allons pas si vite en besogne. Laissez la cour tirer mon affaire au clair [...]. D’après les libertés de l’Église anglicane, j’ai pris son exemple de me confesser à Dieu avant de me confesser aux renards, aux scribes et aux pharisiens qui sont dans l’usage secret d’en tirer avantage pour eux-mêmes ou leur église [...]. Je loue ma mère, ma grand-mère et toutes les commères de ma famille sur l’ardeur de leur zèle en religion, mais je ne puis les louer en tout. Elles ont leurs modèles, j’ai les miens. Je crois qu’il devrait être de la prudence des poules mouillées de ne point trop se confier au renard qui vient les essuyer avec un mouchoir blanc à la main [...]. La confession auriculaire a toujours mis une grande

Weitere Kostenlose Bücher