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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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discordance entre l’alliance des chrétiens sur la terre.   » Le chevalier quitta le vieux prêtre en lui souhaitant de vivre longtemps encore dans la sainteté, ce qui fut le cas.
    D’Éon n’avait jamais mâché ses mots et conservait son inimitable franc-parler. Il refusa avec autant d’autorité de devenir le parrain de l’enfant d’une protégée de Julie de Lespinasse retirée au couvent des Ursulines de Tonnerre.
    Madame d’Éon recevait beaucoup de visites. Les bonnes âmes ne cessaient de lui répéter   : « Madame, que voulez-vous dire contre la loi   ? Que voulez-vous faire contre le roi   ? Votre cher fils de sa nature est une bonne fille   ; tant qu’elle aurait porté l’uniforme d’un capitaine de dragons, elle serait restée courageuse comme un démon et se serait moquée de tout le monde à pied et à cheval. Elle ferait cent fois mieux de se glorifier d’avoir été trouvée fille sans tache au milieu des dragons et de reste, parmi nous qui l’aimons et rendons justice à sa vertu et à son courage, où peut-on être mieux que dans le sein de sa famille, de ses amis et de sa patrie {206} ?   » La pauvre femme ne savait plus que penser tandis que le chevalier-chevalière comptait les jours qui le séparaient de sa prise de robe. Il se sentait cependant soutenu par ses véritables amis qui n’habitaient pas la tranquille cité arrosée par l’Armançon, où l’on boit du vin gouleyant à souhait. Ceux-ci osaient évoquer avec franchise l’invraisemblable situation dans laquelle il se trouvait, comme en témoigne cette lettre inédite de Mme Tercier qui était restée en relations suivies avec lui {207} : « Je ne suis pas étonnée, lui dit-elle, que vous ayez tant de peine à vous faire au nouveau déguisement que vous allez prendre, qu’il vous gêne et vous embarrasse   ; il est bien fait pour cela. Aux yeux de vos amis, vous serez toujours un brave homme et un sujet fidèle   ; ils vous aimeront également et chériront votre amitié dans n’importe quels habits. Je vous prie de me mettre à la tête de vos amis qui vous sont le plus attachés ainsi que toute ma famille qui me charge de vous faire mille tendres compliments. J’ai l’honneur d’être Monsieur, etc.   » Pour ses amis, d’Éon était et restait un homme.
    Il conservait l’espoir d’en garder encore les apparences lorsqu’il reçut une lettre accablante du comte de Broglie   : Louis XVI ne pouvait pas lui permettre de garder son uniforme. Lord Mansfield avait en effet écrit à lord Stormont, ambassadeur d’Angleterre en France, que si le jugement du plus haut tribunal d’Angleterre n’était pas respecté, cette négligence serait considérée comme une offense à S.M. britannique {208} .

Chapitre X   Le calvaire d’un dragon en jupons
    C omment un capitaine de dragons peut-il se métamorphoser en femme   ? Depuis que son sexe avait été mis aux enchères, d’Éon toujours animé d’une humeur guerrière avait pris un malin plaisir à se pavaner en uniforme, arborant ostensiblement la croix de Saint-Louis. Il achevait ainsi de jeter le doute chez ceux qui spéculaient sur sa véritable nature. Mais cette fois le sort en est jeté. Le roi l’exige   : le chevalier doit se muer en chevalière. Revêtir les robes de Mlle Bertin lui semble une épreuve insurmontable, le châtiment grotesque de ses provocations et de ses folies inavouées.

Comme un renard qui aurait perdu sa queue
    Le chevalier avait été reçu à la cour de Pétersbourg et à celle de Saint-James ; il avait rencontré la tsarine Élisabeth, le roi et la reine d’Angleterre, fréquenté l’aristocratie russe et la noblesse britannique ; il écrivait personnellement à Louis XV et à ses ministres ; le prince de Conti l’avait admis chez lui. Sans être né, d’Éon connaissait les grands de ce monde, les cours et les courtisans, leurs faiblesses, leur cynisme et leur égoïsme. Apparaître dans la galerie des Glaces sous le déguisement confectionné par Mlle Bertin (car il s’agissait bien là d’une mascarade) était pour lui le comble de l’humiliation. Mais il fallait se soumettre à la volonté royale et au jugement cruel de la cour la plus sophistiquée d’Europe. Il s’exécuta en prévoyant parfaitement les risées dont il allait être l’objet. Il y avait ce jour-là dans le château autant de monde que pour une visite princière. Lorsqu’il parut, chacun retint son souffle ; tous les

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