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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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indifférente. Elle applaudit aux débuts de cette Révolution qu’elle imaginait comme celle que les Anglais appelaient The Glorious Révolution (celle de 1688). Mlle d’Éon pourfendait le despotisme dont elle se croyait victime et le bouillonnement d’idées qui accompagna la réunion des états généraux l’enthousiasmait. Elle souhaitait pour la France une monarchie constitutionnelle et la fin de l’arbitraire avec l’abolition des trop célèbres lettres de cachet dont pourtant Louis XVI s’était montré fort économe. La chevalière en avait été victime et ne l’oubliait pas   ; mais son cas ne ressemblait à aucun autre   ! Ses amis suivaient avec attention les événements et se réjouissaient de leur rapide évolution. Ils crurent voir la réalisation du programme des Lumières en apprenant la prise de la Bastille. D’Éon, qui s’était ri naguère des prétentions aristocratiques de Beaumarchais et qui s’était forgé une généalogie prestigieuse, se plut désormais à signer « la citoyenne Geneviève Déon   ». Elle se tenait pourtant fort tranquille, partageant son temps entre ses amis et ses parties de jeu d’échecs où elle s’était imposée comme une virtuose. De quels dons cette étrange personne n’était-elle pas pourvue   ?
    Le 14 juillet 1790, alors que Paris célébrait la fête de la Fédération qui devait être celle de la réconciliation des Français, Geneviève Déon donna un banquet réunissant ses amis parmi lesquels se trouvaient plusieurs compatriotes, afin de célébrer publiquement l’anniversaire de la glorieuse Révolution et de prêter le serment civique. On porta des toasts. La citoyenne lut le discours qu’elle avait préparé et qui devait être traduit et reproduit dans la presse britannique   : «Frères, amis, compagnons, compatriotes, Français libres, tous membres d’une même famille, soldats, citoyens voués à la défense de la patrie régénérée, nous devons comme Français dans une terre étrangère être jaloux de donner à notre chère patrie de nouvelles preuves d’un zèle qui ne s’éteindra qu’avec nos jours   », s’écria-t-elle.
    « Nous jurons avec allégresse sur l’honneur et sur l’autel de la patrie, en présence du Dieu des armées, de rester fidèle à la nation, à la loi et au roi des Français   ; de maintenir de tout notre pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par S.M. Périsse l’infracteur perfide de ce pacte sacré, prospère à jamais son religieux observateur.
    « Oui mes braves compatriotes, nous devons au péril de notre vie maintenir les décrets émanés de la sagesse du Tribunal auguste de l’assemblée nationale qui vient d’élever sur des bases inébranlables l’édifice de notre félicité.
    «Nous devons renouveler l’hommage respectueux de notre amour au père tendre, au monarque citoyen qui met toute sa gloire et son bonheur dans celui de ses peuples [...].
    « Et puisque l’Éternel l’a naturellement gravé dans le cœur de tous les hommes, puissent les Français ne jamais perdre de vue la sublimité de leur constitution, la considérer comme un dogme national et d’y demeurer toujours fidèles   ! Ce sont les vœux ardents de mon cœur au nom de la liberté pour laquelle il serait beau de mourir et sans laquelle il serait affreux de vivre...   »
    On notera que ce beau discours patriotique ne ressemble guère à l’épître aux Anglais rédigée deux ans plus tôt. Geneviève Déon n’est plus inspirée par saint Augustin, mais par l’esprit des Lumières et celui de la franc-maçonnerie en faisant appel à l’Éternel et non à Dieu.
    D’ailleurs la citoyenne avait organisé cette réunion en sachant que lord Stanhope l’un des membres éminents de la maçonnerie anglaise, réunissait dans une salle voisine « ses frères   » ainsi que des admirateurs de la Révolution française. La Bastille ayant été démolie et ses pierres vendues par le sieur Palloy qui avait acheté les restes de la forteresse, Mlle Déon s’était porté acquéreur de l’une d’elles. Elle la fit parvenir à lord Stanhope à cette occasion accompagnée de cette lettre dont on remarquera les accents d’un lyrisme patriotique exacerbé   : « J’ai reçu depuis peu, disait-elle, un gros morceau de pierre faisant partie du cintre d’une des principales portes de ce château qui a essuyé le feu de la mousqueterie de nos braves Parisiens

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