Le clan de l'ours des cavernes
opposée, retentit le bruit mat de deux pierres projetées l'une après l'autre. Touchée à la tête, la hyène s'écroula.
Interdit, Broud vit alors Ayla se précipiter, la fronde à la main, vers l'enfant en larmes. En entendant crier Brac, sans songer un seul instant aux conséquences de son geste, elle avait saisi sa fronde et envoyé deux pierres. Ce fut seulement après avoir libéré l'enfant de l'emprise du charognard qu'elle mesura toute la portée de son acte, en voyant les visages consternés tournés vers elle. Son secret se trouvait dévoilé à la vue de tous. Ils savaient qu'elle pouvait chasser. Une peur glacée l'envahit. que vont-ils me faire ? se demanda-t-elle.
Serrant l'enfant dans ses bras, elle se dirigea vers le camp en évitant les regards. Ce fut Oga qui se rernit la première de son étonnement et courut à leur rencontre. A peine arrivée, Ayla entreprit d'examiner le petit garçon, non seulement pour se rendre compte de l'importance de ses blessures, mais aussi pour ne pas avoir à affronter le regard de sa mère.
Elle constata que la bête lui avait déchiré le bras et l'épaule et cassé
l'avant-bras. Si elle n'avait jamais eu l'occasion de remettre en place un bras cassé, Ayla avait observé Iza le faire. Elle ranima le feu sur lequel elle mit de l'eau à bouillir, et elle alla chercher son sac de guérisseuse.
Encore sous le chqc de la découverte, les hommes demeuraient silencieux, peu désireux de se rendre à l'évidence. Pour la première fois de sa vie, Broud ressentait une certaine reconnaissance envers Ayla qui avait sauvé
Brac d'une mort horrible, mais les pensées de Brun allaient beaucoup plus loin.
Le chef ne fut pas long à mesurer toutes les conséquences du geste d'Ayla et se vit brusquement confronté à un dilemme épouvantable. En effet le ch
‚timent infligé aux femmes coupables d'avoir utilisé une arme n'était autre que la Malédiction Suprême. Ainsi le voulaient les usages du Clan, si profondément ancrés qu'on ne les mentionnait plus depuis longtemps. Les femmes se gardaient bien d'outrepasser cet interdit, mais la loi n'en subsistait pas moins. D'autre part, Ayla était née chez les Autres.
Brun adorait le fils de la compagne de Broud. Seul Brac avait le don de l'attendrir. L'enfant pouvait faire de lui tout ce qu'il désirait : lui tirer la barbe, lui mettre les doigts dans les yeux, lui baver dessus ; Brun acceptait tout. Comment pouvait-il condamner à mort la fillette qui venait de lui sauver la vie ?
Comment a-t-elle pu réussir son coup ? se demanda-t-il.
L'animal se trouvait hors de portée des hommes, et Ayla était encore plus éloignée qu'eux. Brun s'approcha du cadavre de la hyène et toucha le sang qui coulait encore de ses blessures. Ses yeux ne l'avaient pas trompé quand il avait cru voir filer deux pierres. Personne, pas même Zoug, n'était capable de tirer deux pierres à la fronde avec une telle rapidité, une telle précision et une telle force.
Jamais personne d'ailleurs n'avait tué de hyène à la fronde. Pourtant Zoug avait toujours prétendu l'entreprise réalisable, mais Brun n'y avait jamais cru. A présent, il détenait la preuve que le vieil homme disait vrai.
Etait-il donc possible de tuer un loup, voire un lynx, à la fronde, comme il le prétendait également ? s'interrogea Brun, dont les yeux s'ouvrirent tout grands sous l'effet de la surprise. Un loup ou un lynx ? Ou alors un glouton, un chat sauvage, un blaireau, un furet ou tout autre prédateur trouvé mort récemment !
Mais c'est évident ! s'exclama-t-il en son for intérieur. C'est elle ! Et ce n'est pas d'hier qu'elle chasse ! Autrement, comment aurait-elle pu acquérir une telle adresse ? Elle est pourtant femme, et elle a parfaitement assimilé le savoir-faire propre à sa condition féminine. Alors comment a-t-elle pu en même temps apprendre à chasser ? Et pourquoi s'en prendre exclusivement aux carnassiers ? Des carnassiers dangereux.
Pourquoi ?
Si elle avait été un homme, elle aurait fait l'envie de tous les chasseurs.
Mais Ayla est une femme, pensa-t-il, et elle doit mourir pour avoir désobéi, sous peine de déplaire aux esprits et de provoquer leur colère.
Leur déplaire ? Provoquer leur colère ? Il y a longtemps qu'elle chasse, manifestement, et ils n'ont jamais manifesté le moindre signe de mécontentement ou de réprobation, bien au contraire. Ne venons-nous pas de tuer un mammouth sans qu'aucun chasseur n'ait été blessé
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