Le clan de l'ours des cavernes
un chasseur, la Femme-qui-Chasse.
Pendant un long moment, tous les regards se tournèrent vers la jeune fille qui, les joues en feu, passa son chemin et pénétra dans l'ombre accueillante de la caverne. Sa première surprise passée, Iza détourna les yeux sans rien dire. Creb semblait méditer, assis sur sa fourrure, mais il l'avait vue entrer et il s'abstint également de toute remarque quand elle déposa les deux lapins près du feu. Ce fut Uba qui, accourant de toute la vitesse de ses petites jambes, rompit le silence.
- C'est toi qui les as tués, toi toute seule ? demanda-t-elle.
- Oui, c'est moi, répondit Ayla.
- Ils ont l'air bien gras. On va les manger ce soir, maman ?
- Euh, oui, j'imagine... bafouilla lza, encore sous le choc.
- Je vais les dépecer, s'empressa d'ajouter Ayla en sortant son couteau.
- Non, Ayla. Tu les as tués, c'est à moi de les dépecer, déclara Iza qui, après un instant d'hésitation, lui prit le couteau des mains. Lorsque la jeune femme rapporta le produit de sa chasse la fois suivante, l'émoi fut déjà moindre et tout le monde s'habitua bientôt à cet état de fait. Creb comptait désormais un chasseur dans son foyer, et la part qu'il prélevait sur la chasse des autres s'en trouva réduite, à
l'exception toutefois des animaux de grande taille que les ommes tuaient à
la lance.
Ayla ne chôma pas ce printemps-là. Outre ses activités de chasseur, il lui fallait toujours accomplir sa part de travail féminin, et ramasser des herbes pour Iza. Mais elle aimait cette vie et se sentait plus dynamique et heureuse que jamais, heureuse de pouvoir chasser ouvertement, heureuse de vivre de nouveau au sein du clan, heureuse enfin d'être une femme et de se lier plus étroitement d'amitié avec les autres femmes.
Ebra et Uka l'avaient acceptée. Ika s'était toujours montrée amicale et l'attitude d'Aga et de sa mère avait changé du tout au tout depuis le sauvetage d'Ona. Ovra était devenue une confidente et quant à Oga, elle était, malgré l'hostilité de Broud, mieux disposée à son égard. En revanche, la haine de Broud envers Ayla avait encore grandi après son admission parmi les chasseurs, et il cherchait par tous les moyens à la persécuter. Ayla ne s'en émouvait plus et elle en était arrivée à penser que rien venant de lui ne pourrait jamais plus l'affecter.
Le printemps était à son apogée lorsqu'un jour Ayla décida d'aller chasser le lagopède, le gibier favori de Creb. Elle en profiterait pour recenser les plantes en herbe et commencer à cueillir les simples dont Iza avait besoin. Elle passa la matinée à parcourir les bois puis orienta ses pas vers une vaste prairie près des steppes. Elle abattit deux perdrix en plein vol, et se mit à chercher leur nid parmi les hautes herbes dans l'espoir d'y trouver des oeufs dont Creb raffolait. Elle poussa une exclamation de joie en découvrant le nid et trois oeufs à l'intérieur. Elle les enveloppa dans de la mousse et les glissa dans un repli de son vêtement. Heureuse jusqu'à l'exubérance, elle courut à perdre haleine à
travers la prairie et s'arrêta, pantelante, au sommet d'un petit tertre couvert d'une herbe verte.
Elle se laissa choir à plat ventre, vérifia que les oeufs étaient intacts, et calma sa faim d'un morceau de viande séchée. Elle observa une alouette à
la gorge jaune vif qui, perchée sur un arbuste, lançait des trilles vibrantes vers l'azur. Des moineaux se chamaillaient dans les m˚riers bordant la prairie. Ayla adorait ces moments de solitude o˘ elle pouvait lézarder au soleil, détendue et heureuse sans penser à rien de particulier.
C'est seulement au moment o˘ une ombre se dessina à ses pieds qu'elle réalisa qu'elle n'était pas seule. Stupéfaite, elle leva les yeux pour découvrir le visage menaçant de Broud.
Aucune expédition de chasse n'avait été organisée ce jour-là, et Broud avait décidé de chasser en solitaire. Il n'avait encore rien tué, se contentant de se promener par cette belle journée. Il avait aperçu de loin Ayla étendue sur le tertre, et n'avait pu résister à la tentation de profiter de l'occasion pour aller lui reprocher sa paresse.
Ayla bondit sur ses pieds en le voyant, ce qui eut le don de l'exaspérer.
Elle était plus grande que lui et il n'aimait pas devoir lever les yeux pour regarder une femme. Il la repoussa, se préparant à la corriger sévèrement, et le regard soumis et absent à la fois de la jeune fille le mit hors
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