Le clan de l'ours des cavernes
cracha la dernière bouchée de pulpe, la tête lui tournait. Elle remua ensuite le mélange jusqu'à ce qu'il devienne d'un blanc laiteux dans l'écuelle sacrée, et le tendit à Goov.
Les servants avaient attendu qu'elle ait fini de mastiquer les racines, une écuelle de datura longuement infusée à la main. Goov donna à Mog-ur le breuvage préparé par Ayla et en retour tendit à la guérisseuse une écuelle d'infusion, pendant que les autres servants faisaient de même avec les guérisseuses de leurs clans respectifs. Mog-ur but une gorgée de breuvage.
c
- Il est fort, fit-il remarquer à l'adresse de Goov. Donnes-en moins.
Goov approuva d'un signe de tête et tendit l'écuelle au mog-ur le plus important par le rang après Creb.
Ayla et les autres guérisseuses apportèrent leurs bols aux femmes et leur firent boire, ainsi qu'aux filles les plus ‚gées, une certaine quantité
d'infusion. Ayla, but ce qui restait au fond de son bol, mais elle ressentait déjà une étrange impression de distance, comme si une partie d'elle-même s'était détachée et la regardait de loin. Certaines guérisseuses parmi les plus ‚gées s'emparèrent des tambours et commencèrent à battre les rythmes de la danse des femmes. Ayla contemplait, fascinée, le mouvement des baguettes dont chaque coup était sec et précis. La guérisseuse du clan de Norg lui offrit un instrument. La jeune femme se mit à taper, doucement d'abord, s'imprégnant du tempo, puis elle s'abandonna au rythme qui naissait de sa frappe.
Le temps perdit toute signification. quand elle releva les yeux, les hommes étaient partis et les femmes tournaient sur elles-mêmes, saisies d'une frénésie sauvage et sensuelle. Elle éprouva soudain le besoin de se joindre à elles et, comme elle reposait son tambour, celui-ci roula par terre. Elle le regarda, et la forme évasée de l'instrument lui rappela l'écuelle d'lza, la précieuse relique qui lui avait été confiée. O˘ est le bol d'lza ? se dernanda-t-elle, soudain préoccupée par sa disparition. La dernière image qu'elle en avait était son doigt remuant le breuvage laiteux. Mais o˘ l'ai-je mis ? O˘ est-il ?
Elle pensa à Iza, et les larmes lui vinrent aux yeux. J'ai perdu son bol.
Cette merveille que les guérisseuses de sa lignée se sont transmise de mère en fille depuis des temps que l'esprit ne peut calculer. Elle vit Iza, et derrière Iza, il y avait une autre Iza, et une autre encore, et encore ; toute une file de guérisseuses dédoublant l'image d'lza à l'infini, chacune d'elles tenant à la main l'écuelle sacrée. Puis la vision se dissipa, suivie d'une autre qui la foudroya : l'écuelle était brisée en deux morceaux. Elle tressaillit de tout son corps et, se frayant un chemin à
travers les femmes en transe, trébuchant sur les coupes et les plats contenant les restes du festin, elle se mit en quête du précieux récipient.
L'entrée de la caverne, faiblement éclairée par les torches, l'attirait, et elle s'en approcha en chancelant. Une silhouette gigantesque se dressa soudain devant elle, lui arrachant un hoquet de stupeur. La gueule monstrueuse de la dépouille de l'ours semblait se pencher sur elle.
S'écartant d'un bond, elle franchit le seuil de la caverne.
Aussitôt, son regard fut attiré par une tache blanche, non loin de l'endroit o˘ elle avait attendu le signal de Mog-ur. Elle s'agenouilla et saisit avec précaution l'écuelle d'lza qu'elle serra contre son coeur. Il restait au fond un peu du liquide laiteux.
Ils n'ont pas tout bu, pensa-t-elle. Jen ai trop préparé. que vais-je en faire ? Je ne peux pas le jeter, Iza m'a dit que c'était interdit. Mais qu'adviendra-t-il si quelqu'un s'en aperçoit ? On remettrait cri question mon rang de guérisseuse. On me rejetterait comme une étrangère au Clan. On nous chasserait peut-être. que faire ?
Je n'ai qu'à le boire moi-même. Comme cela, personne ne s'apercevra de rien. Ayla porta l'écuelle à ses lèvres et la vida. Le mystérieux breuvage était déjà fort, et les racines qui y avaient macéré l'avaient rendu plus puissant encore. Elle se dirigea vers la deuxième grotte avec la vague intention de mettre l'écuelle en lieu s˚r mais, avant d'avoir atteint son foyer, elle commença à ressentir l'effet de la drogue.
Ayla était tellement désorientée qu'elle ne s'aperçut même pas qu'elle laissait tomber l'écuelle sacrée dans les limites du foyer. Elle avait dans la bouche le go˚t de la forêt
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