Le clan de l'ours des cavernes
ancestrale, celui de la mousse et des champignons, des souches pourrissantes et des feuilles perlées d'humidité.
Les parois de la grotte s'écartaient, reculant de plus en plus loin. Elle eut l'impression d'être un insecte rampant sur le sol. Des détails infimes lui apparaissaient démesurément grossis : elle distinguait le contour d'une empreinte avec une incroyable netteté, voyait chaque petit caillou, chaque grain de poussière. Elle perçut un mouvement à la limite de son champ de vision et vit une araignée en train de grimper le long d'un fil de soie qui brillait dans la lumière d'une torche.
La flamme l'hypnotisa. Elle s'en approcha, puis en vit une autre qui l'attira. Mais quand elle l'atteignit, une autre torche l'appela, puis une autre, et Ayla s'enfonça de plus en plus profondément dans la montagne.
Bientôt, sans qu'elle s'en rendît compte, les torches firent place aux petites lampes de pierre qui éclairaient la galerie menant vers le fond de la grotte. Personne ne la remarqua quand elle traversa une vaste salle o˘
se trouvaient des hommes en transe, ni quand elle pénétra dans la salle plus petite o˘ se déroulait sous la conduite des servants une cérémonie d'initiation réservée aux adolescents.
Elle allait d'une flamme à l'autre, comme attirée par une force invisible.
La succession des lumignons lui fit traverser d'étroites galeries s'ouvrant de temps à autre sur de larges anfractuosités. Elle trébucha sur le sol inégal, et se raccrocha à la paroi humide pour ne pas tomber. Elle s'engagea dans un passage au bout duquel rougeoyait une faible lueur. Le passage était incroyablement long, et par moments elle avait l'impression de se voir elle-même de très loin, avançant à t‚tons le long du tunnel obscur.
Elle finit par atteindre la lumière au bout du passage et distingua plusieurs silhouettes assises en cercle. Un réflexe de prudence enfoui au plus profond de son esprit hébété par le breuvage magique l'incita à se cacher derrière un pilier de pierre. Les dix mog-ur étaient absorbés dans la célébration d'une cérémonie secrète. Après qu'ils eurent commencé de célébrer celle des hommes, ils avaient laissé à leurs servants le soin de la conclure, et s'étaient retirés dans leur sanctuaire pour y accomplir entre mog-ur certains rites réservés à eux seuls.
Chaque homme, enveloppé dans sa peau d'ours, était assis devant le cr‚ne d'un ours des cavernes. D'autres cr‚nes occupaient les niches dans la paroi. Au centre du cercle se trouvait un objet recouvert de poils qui intrigua Ayla. Mais quand finalement elle en comprit la nature, seule son hébétude l'empêcha de pousser un cri. C'était la tête tranchée de Gorn.
Elle contempla avec une horreur fascinée le mog-ur du clan de Norg saisir la tête, la retourner et, à l'aide d'un instrument, élargir l'orifice à
la base du cou. La masse grise et rose du cerveau apparut. Le sorcier traça des signes symboliques au-dessus de la tête de Gorn puis, plongeant la main dans l'orifice, arracha un morceau de la cervelle. Il garda dans sa main la matière tremblotante tandis qu'un autre mog-ur s'emparait à son tour du cr
‚ne.
Malgré l'effet de la drogue, Ayla ressentit une violente répulsion, mais elle resta comme envo˚tée par le spectacle des sorciers fouillant l'un après J'autre dans l'horrible tête. Elle s'efforçait désespérément de résister au vertige qui s'emparait d'elle, niais quand elle vit les sorciers porter leurs mains à leur bouche et manger le cerveau de Gorn, elle sombra dans un abîme sans fond, o˘ rien n'existait plus que la peur.
Elle pensait hurler sans fin mais ne s'entendait pas, elle ne pouvait rien voir, rien éprouver d'autre que cette terrifiante sensation de chuter dans un vide infini et glacial.
Et puis la sensation de chute s'atténua soudain, en même temps qu'elle sentait comme une décharge dans son cerveau, un influx mental qui lui donnait le sentiment de sortir lentement du gouffre o˘ elle était tombée.
Elle éprouva des émotions qui n'étaient pas les siennes : de l'amour, mais aussi une violente colère et une peur immense, ainsi qu'un soupçon de curiosité. Stupéfaîte, elle s'aperçut que Mog-ur avait pris possession de son esprit : c'étaient ses pensées qui étaient en elle, ses sentiments qu'elle éprouvait.
Le sue des racines qu'lza serrait dans son petit sac rouge poussait à son paroxysme une tendance naturelle des hommes du
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