Le clan de l'ours des cavernes
les affaires de la guérisseuse.
- qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-elle, réticente à ce qu'on touche aux possessions de sa mère défunte.
- Je cherche les écuelles et tous les ustensiles dont Iza se servait afin de les enterrer avec elle, expliqua Creb.
La jeune femme rassembla sur sa couche les bols en bois et les écuelles en os dans lesquels Iza confectionnait ses mixtures et dosait ses remèdes, la pierre ronde qu'elle utilisait pour réduire en poudre ou broyer les ingrédients, ses plats personnels et son sac de guérisseuse. Puis elle contempla le petit tas d'objets, si peu représentatif de la vie et des activités de la morte.
- Ce n'est pas avec ça qu'opère une guérisseuse ! s'exclama rageusement Ayla, avant de sortir en courant de la caverne, laissant Creb éberlué.
La jeune femme s'élança vers la prairie o˘ elle avait coutume de se rendre avec Iza. Elle s'arrêta devant un bouquet de roses trémières, et en cueillit une brassée de différentes teintes. Puis elle ramassa des achillées, utilisées pour les empl‚tres contre la douleur. Elle parcourut ainsi les bois et les prés à la recherche de toutes les plantes dont Iza avait eu à se servir pour préparer ses remèdes : des chardons aux fleurs et aux piques jaunes ; de grands et brillants séneçons ; une poignée de muscaris d'un bleu si profond qu'il en était presque noir.
Chacune des plantes qu'elle cueillait était entrée à un moment ou à un autre dans la pharmacopée de la guérisseuse, mais Ayla ne choisissait que les plus belles, les plus colorées, les plus embaumées. Elle pleurait quand elle s'arrêta en bordure d'un pré, o˘ Iza et elle étaient souvent venues.
Sa cueillette était si abondante qu'elle avait du mal à la porter sans panier. Plusieurs fleurs lui échappèrent et, comme elle se baissait pour les ramasser, elle vit les longues tiges de plusieurs prêles en fleur, et manqua sourire à l'idée qui lui vint.
Elle déposa dans l'herbe sa brassée pour sortir un couteau d'un des plis de son vêtement, et alla couper quelques prêles. Puis elle s'assit en bordure du pré au bon soleil des premiers jours d'automne et, après avoir noué les tiges de prêles en une trame circulaire, elle entreprit d'y entrelacer les plantes aux fleurs colorées, jusqu'à ce que se dessine une éblouissante palette de corolles.
Lorsqu'elle revint à la caverne avec sa couronne de fleurs, la stupéfaction fut générale. Elle se dirigea droit vers le fond de la grotte et déposa son présent auprès du corps couché dans la petite fosse tapissée de pierres.
- Voilà les véritables outils d'lza ! lança-t-elle avec des gestes défiant quiconque de la contredire.
Elle a raison, se dit le vieux sorcier en hochant la tête. C'est avec ça qu'lza a travaillé toute sa vie. Elle sera peut-être contente de les avoir avec elle dans le monde des esprits, car je me demande s'il y pousse des plantes.
Comme on s'apprêtait à recouvrir de pierres la dépouille et que Mogur commençait d'invoquer l'Esprit du Grand Ours des Cavernes et son totem l'Antilope SaÔga pour qu'ils guident l'esprit d'lza jusqu'à l'autre monde, Ayla fit un signe au sorcier.
- Attends, Mog-ur ! s'écria-t-elle. J'ai oublié quelque chose.
Elle courut à son foyer, fouilla dans son sac de guérisseuse, et revint avec les deux moitiés de ce qui avait été une écuelle en bois, l'écuelle sacrée d'lza, qu'elle disposa à côté du corps.
- J'ai pensé qu'elle aimerait l'emporter avec elle, maintenant qu'elle est inutilisable, signifia-t-elle.
Mog-ur acquiesça. Une fois la dernière pierre déposée, les femmes recouvrirent de bois le tumulus. Le feu sur lequel devait cuire le festin funéraire fut allumé à l'aide d'une braise. Les repas devraient être préparés sur la tombe pendant sept jours. La chaleur du b˚cher dessécherait le cadavre en le momifiant.
Alors que les flammes s'élevaient, Mog-ur proféra des lamentations dont l'accent dépassait largement leur caractère conventionnel, tant l'émotion étreignait le vieux sorcier.
S'adressant au monde des esprits, il leur dit combien le clan avait aimé sa guérisseuse qui s'était toujours dévouée sans compter pour le bien-être de chacun, toujours prompte à accourir au chevet du malade ou du blessé.
Les yeux secs, Ayla observait à travers les flammes les mouvements suggestifs de l'infirme, si éloquents que personne ne pouvait résister à
l'emprise de son désespoir. Mog-ur
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