Le clan de l'ours des cavernes
prit une décision ferme et arrêtée : jamais plus il ne donnerait à Brun l'occasion de douter de lui ; jamais plus il ne compromettrait son accession à un rang qu'il était si près d'obtenir. quand je serai chef, c'est moi qui prendrai les décisions, se dit-il avec une impatience rageuse. quand je serai chef, Brun aura beau prendre sa défense, il ne pourra plus la protéger. Elle a retourné Brun contre moi, et même Oga, ma propre compagne. Broud s'abandonna au plaisir malsain de se remémorer tous les torts, toutes les insolences d'Ayla à son égard, toutes les fois o˘ elle lui avait volé ses légitimes moments de triomphe, toutes les fois o˘ il s'était senti insulté, diminué par sa seule présence. Mais il saurait attendre sa vengeance. Un jour, un jour proche, se promit-il, Ayla regretterait d'être venue vivre au sein de ce clan.
Broud n'était pas le seul à bl‚mer le vieil infirme : Creb lui-même se considérait comme responsable de la perte du lait d'Ayla, même s'il avait agi en pensant bien faire. Il n'entendait rien au corps des femmes, qu'il n'avait pas, ou si peu, fréquentées. Il lui avait fallu atteindre son grand
‚ge pour vivre auprès d'une mère et de son bébé. Il n'avait ainsi pas compris que si une femme allaitait l'enfant d'une autre, ce n'était jamais pour s'acquitter d'un devoir communautaire, mais toujours pour répondre à
un besoin ou une urgence. Creb comprenait maintenant qu'Ayla aurait fini par nourrir Durc et qu'elle n'aurait pas perdu son lait.
Il se demandait pourquoi il arrivait un tel malheur à la jeune femme. Creb se mit à en chercher les raisons, et ses réflexions l'amenèrent à douter des motifs qui l'avaient guidé lui-même. Derrière ses bonnes intentions, n'avait-il pas voulu inconsciemment lui rendre le mal qu'elle lui avait fait elle-même involontairement ? Dans ce cas, comment pouvait-il désormais se considérer comme digne d'avoir pour totem le Grand Ours des Cavernes ? S'il incarnait le plus grand sorcier du clan, alors le clan méritait probablement de disparaître. La conviction qu'il avait de la fin prochaine de sa race, la mort d'lza ainsi que la mauvaise conscience d'avoir cruellement meurtri Ayla plongèrent Creb dans une profonde tristesse.
Ce n'était pas à Mog-ur qu'Ayla__çn voulait mais à elle-même de voir une autre femme allaiter son fils alors qu'elle en était incapable. Oga, Aga et Ika étaient venues toutes trois lui proposer de nourrir Dure et elle avait accepté avec reconnaissance. Mais la plupart du temps, c'était Uba qui apportait Dure à l'une d'elles, auprès de qui elle restait jusqu'à ce que le bébé e˚t fini. En perdant son lait, Ayla perdit cri même temps une partie de la vie de son fils. Mais chaque nuit, en prenant Dure auprès d'elle, elle remerciait Broud pour son refus de recueillir l'enfant dans son foyer : ainsi n'en était-elle pas complètement séparée.
Tandis que les jours raccourcissaient avec l'automne, Ayla reprit sa fronde, saisissant ce prétexte pour sortir seule. Elle avait si peu chassé
l'année précédente qu'elle avait perdu de son habileté, mais bien vite elle retrouva toute sa précision et sa rapidité. La plupart du temps elle partait tôt le matin et rentrait tard le soir, confiant Dure à Uba, et son seul regret était que l'hiver approch‚t si vite.
Si la chasse lui redonnait des forces et occupait l'esprit d'Ayla tant qu'elle s'y livrait, elle n'était pas pour autant débarrassée du poids de son chagrin. Il semblait à Uba que toute joie avait déserté le foyer de Creb. Sa mère lui manquait et une infinie tristesse se dégageait de Creb comme d'Ayla. Seul Dure, dans son inconscience enfantine, perpétuait un peu de ce bonheur qui, autrefois, lui avait paru être son d˚. A l'occasion, il parvenait même à tirer Creb de sa léthargie.
Ce matin-là, Ayla était partie de bonne heure. Uba s'était éloignée du foyer pour chercher quelque chose au fond de la caverne quand Oga vint rapporter Dure dont elle confia la surveillance à Creb. L'enfant était rassasié et satisfait, mais il semblait peu disposé à dormir. Il rampa vers le vieillard et se dressa sur ses jambes flageolantes en se retenant au vêtement de Creb.
- Toi, tu vas bientôt marcher, dit Creb. Avant la fin de l'hiver, tu courras partout dans la caverne, mon bonhomme !
Creb lui chatouilla le ventre. Dure ouvrit la bouche en étirant les lèvres et un rire gargouilla dans sa gorge. Creb ne
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