Le Code d'Esther
sa prison avec la rédaction du fameux manifeste, et tout se dénouait vingt ans plus tard avec la libération des camps de concentration. La présence d’Axel à mes côtés se révélerait très précieuse. C’est en grande partie à son opiniâtreté que je dois d’avoir découvert l’inimaginable. Mais reprenons par le commencement.
La pluie n’a pas cessé de toute la nuit. Les rues, désertes hier soir passé 19 heures, grouillent de vie. Quelques embouteillages se forment le long du pont sur le Lech, un affluent du Danube qui fait son entrée dans Landsberg en quatre cascades majestueuses. Nous nous pressons vers la vieille ville par des rues étroites bordées de maisons patriciennes aux couleurs pastel. C’est une ville riche, cossue, qui a su préserver son architecture au fil des siècles sans jamais céder aux sirènes de la modernité. Détail rare en Allemagne, qui nous sera confirmé un peu plus tard : de toute évidence, la ville n’a pas souffert de bombardements pendant la guerre. Nous voici déjà sur la Grand-Place pavée, point névralgique de la ville, bordée de magnifiques façades baroques à caractère religieux.
« La Vierge est partout présente, commente Axel. Ici les gens sont catholiques et veulent le faire savoir. J’ai compté une bonne quinzaine d’églises ou de chapelles depuis que nous avons quitté l’hôtel. La ville en est truffée. »
Le temps de jeter un œil à la grande tour de Bavière, la construction la plus élevée de la ville, et nous sommes arrivés aux archives de la municipalité. Tous les carillons de la ville sonnent 8 heures du matin. Elke nous y attend. Nous l’avons contactée de Paris pour lui demander de nous aider dans nos recherches. Petite, brune, âgée d’une quarantaine d’années, serrée dans son jean et sa veste noire cintrée, cette historienne n’a manifestement pas de temps à perdre. Elle nous conduit au pas de course dans son bureau, situé au premier étage du bâtiment, et nous désigne d’un geste énergique les documents qu’elle a pu recueillir sur les camps de Landsberg. Pas un mot pour s’enquérir de notre voyage, de l’hôtel dans lequel nous sommes descendus, pas d’invitation à nous débarrasser de nos manteaux lourds de pluie ou à prendre place autour de la grande table de réunion : nous avons la très nette impression d’être tolérés mais en aucun cas bienvenus.
Une coupure de journal, un texte, manifestement ancien, dactylographié et un annuaire nous attendent. C’est le résultat de ses recherches. Aussi surpris que moi, Axel lui demande de nous présenter les documents.
« Le journal date de 2005, répond-elle rapidement. Il raconte une journée particulière de 1945, lorsque les Américains sont entrés dans la ville. Le texte est le témoignage d’un habitant de Landsberg sur cette période et l’annuaire est ouvert à la page où se trouvent son adresse et son numéro de téléphone. Je vous laisse en prendre note. »
Et elle regagne son bureau, contigu à la salle de réunion, nous plantant là, partagés entre le rire et la colère. Il en faut plus pour décourager Axel, qui la poursuit en quête d’un supplément d’informations. Je lui emboîte le pas.
« Vous avez contacté l’auteur du témoignage ? lui demande-t-il un peu nerveusement.
— J’ai essayé. Mais je crois que c’est un vieux monsieur très malade. Rien ne vous empêche de tenter votre chance. Vous en obtiendrez peut-être plus que moi !
— Savez-vous dans quelles conditions ce texte a été écrit ? Est-ce l’extrait d’un journal intime ou d’un rapport de police ?
— Je n’en sais rien. Il était aux archives lorsque je suis arrivée dans le service. Adressez votre question à l’auteur de ce témoignage ! »
Surprenante, cette absence totale de curiosité chez une personne qui se prétend historienne…
« Et le journal ? poursuit Axel, nullement impressionné par son manque évident de bonne volonté. J’imagine que vous n’allez pas nous le confier… C’est une coupure originale…
— Ah, si cela vous intéresse, je peux vous en faire une photocopie… »
Elle quitte alors son bureau et disparaît derrière une porte, nous laissant à nouveau seuls. Une minute plus tard, elle est de retour, triomphante, avec la photocopie en question.
« Autre chose ? demande-t-elle.
— Oui, deux choses… »
J’interviens bille en tête, sans me soucier de son
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