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Le Code d'Esther

Le Code d'Esther

Titel: Le Code d'Esther Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Benyamin , Yohan Perez
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lèvres : « Maintenant, vous allez savoir comment les SS nous ont traités ! » On nous a ensuite expliqué que nous devions creuser une fosse commune pour enterrer les Juifs morts qui traînaient partout.
    Ce qui vient maintenant est la pure vérité.
    Après avoir passé le portail, nous avons pénétré dans le camp en marchant au pas. J’ai été le premier à me sentir mal. Le Juif m’a alors sorti de la colonne en hurlant : « Fils de Hitler ! » et il m’a donné un coup de poing au visage. Pendant que les uns ramassaient les morts juifs, moi je creusais. Des cadavres, il y en avait partout, par terre, à moitié nus ou brûlés. Les Américains nous surveillaient pendant que le Juif se servait d’un bâton pour frapper plusieurs membres de mon groupe alors que ceux-ci travaillaient dur. Grâce à Dieu, il ne m’a pas frappé mais il m’a donné un nouveau coup de poing. Je ne sais pas à quoi je ressemblais.
    Après un certain temps, on a inversé les rôles. Ceux qui creusaient devaient transporter les morts. On les transportait à deux : l’un prenait le cadavre par la tête et l’autre par les pieds. On nous avait interdit d’utiliser des gants. C’est comme ça qu’on devait prendre les cadavres partiellement décomposés. Et cela, sans s’arrêter. Si quelqu’un restait seulement une seconde sans bouger, il recevait un coup de bâton. Les Américains surveillaient en s’amusant et rigolant. Bizarrement, personne n’a manifesté de sentiment de dégoût : la peur d’être fusillé était trop grande pour prendre le risque de refuser d’accomplir ce travail. Nous avons ainsi travaillé à peu près trois heures sans pause.
    Après, les Américains ont formé un groupe dont je faisais partie et nous avons marché pendant à peu près 1 kilomètre jusqu’aux rails de la ligne Kaufering-Lechfeld-Augsbourg. Il y avait environ cinquante morts par terre. Nous devions les ramasser alors que nous étions déjà épuisés et les ramener au camp proprement dit. On ne peut pas décrire ce que nous avons alors ressenti. Dans la forêt, 1 kilomètre plus loin, il y avait d’autres cadavres mais ceux-ci étaient dans un état horrible. On voyait des mains arrachées, des têtes sans corps… Mais cette fois, au moins, on pouvait les ramener au camp avec un vieux chariot. Après un certain temps, un major américain se mit au milieu de ces centaines de cadavres et a prononcé un discours. Il disait : « Vous devez vous imaginer que tous ces gens étaient aussi des êtres humains qui pensaient, sentaient, parlaient et voyaient comme vous. » Mais en voyant ces cadavres, on ne pouvait pas imaginer cela : ils étaient carbonisés, découpés, ensanglantés avec seulement la peau sur les os. Après on a encore creusé et un Américain nous a dit : « Dans ce camp, il y avait le typhus et des poux. Alors vous allez brûler vos vêtements et saupoudrer ce que nous allons vous donner : du DDT. » Évidemment, il n’y en avait pas pour tout le monde. Brûler nos vêtements ???? Et qui nous en donnera d’autres ?? Et puis, un camion nous a ramenés à la maison. À côté de moi, il y avait un homme dont le manteau était infesté de centaines de poux. Il l’a jeté du camion mais qui sait combien de ces poux étaient déjà sur lui ou sur nous ?
    Quand nous sommes arrivés à la maison, ma mère a pensé que de nouveaux étrangers venaient pour la voler : après neuf heures de travail forcé, elle ne nous avait pas reconnus. […]
    Le 13 juin, nous avons pu récupérer notre maison qui avait été réquisitionnée. Le 1 er  juillet, tout était à nouveau nettoyé mais chaque fois qu’une voiture passait dans la rue, nous nous précipitions à la fenêtre dans l’angoisse qu’elle ne vienne nous déloger.
    C’est comme ça que tout cela est arrivé. Mais la vie n’a plus jamais été la même.
    Manfred Neumayer, le 8 mai 1946.
     
     
    « Vous croyez que c’était une bonne idée d’obliger la population à enterrer à mains nues les cadavres de prisonniers ? »
    Nous nous dirigeons doucement vers la sortie du camp. Je jette encore un dernier coup d’œil aux fusées de céramique, et Anton s’est accroupi pour fermer le dernier cadenas.
    « Les Américains n’avaient pas le choix ! répond-il en se relevant. C’était pour les obliger à voir la vérité et mettre un terme au mensonge. Remarquez… Plus de soixante ans après, je ne sais pas si

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