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Le Code d'Esther

Le Code d'Esther

Titel: Le Code d'Esther Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Benyamin , Yohan Perez
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édifice idéologique : un livre, un manifeste qui lui permettra de toucher toutes les couches de la population et d’affirmer définitivement son autorité sur ses troupes.
    « Pour la première fois, dit-il dans la préface, après des années de travail incessant, j’avais la possibilité de me consacrer à un ouvrage que beaucoup me pressaient d’écrire et que je sentais moi-même opportun pour notre cause. »
    Le livre est pratiquement terminé lorsque Otto Leybold, le directeur de la prison, adresse en octobre 1924 un rapport aux autorités bavaroises afin de solliciter sa libération. « Hitler s’est montré un prisonnier ordonné et discipliné, écrit-il pour justifier sa demande. Il est docile, sans prétention et modeste. […] Quand il retournera à la vie civile, ce sera sans esprit de revanche à l’égard de ceux qui, occupant des fonctions officielles, se sont opposés à lui. »
    Deux mois plus tard, le 20 novembre 1924, après treize mois de détention, Hitler est libre. Dans ses bagages, un manuscrit de plusieurs centaines de pages tapées à la machine, annotées et raturées à la main, qui annonce l’imminence d’une apocalypse mondiale. Lorsqu’il quitte la prison de Landsberg, il a une seule idée en tête : trouver de toute urgence un éditeur.
     
     
    « Voici l’église », annonce Axel.
    Nous venons de laisser sur notre droite les murs de la prison filer jusqu’à un vaste terre-plein. Sur notre gauche s’ouvre une ruelle sombre où sont garées quelques voitures et le fameux jardin, dont nous a parlé Anton, dominé par l’église St. Ulrich.
    Il suffit de pousser une porte en fer forgé de 1 mètre de hauteur, et nous voici au « cimetière des pendus ». Ici sont enterrés plus de 250 criminels de guerre jugés et exécutés à la prison de Landsberg entre 1945 et 1951 : Paul Blobel, responsable du massacre de Babi Yar en 1941, où furent assassinés près de 100 000 civils, en majorité d’origine juive ; Werner Braune, commandant du détachement spécial 11b des Einsatzgruppen , ces troupes tueuses qui ont conduit plus de 1 million de personnes à la mort entre 1940 et 1943 ; Erich Naumann, fier de ses trois camions mobiles permettant le gazage des Juifs à domicile, revendiquant personnellement la mort de 20 000 personnes, et probablement responsable de tant d’autres… Leurs tombes sont parfaitement alignées, comme dans un cimetière militaire, surmontées d’une drôle de croix en bois sombre qui se termine en chapeau, donnant l’impression au premier abord qu’il s’agit d’abris pour pigeons. Elles sont toutes anonymes, mais ce ne fut pas toujours le cas : jusqu’en 2003, chacune portait le nom de la personne qui y était enterrée. À la suite de plusieurs protestations, le Land de Bavière fut obligé d’effacer ces patronymes honnis.
    Il ne faut pas hésiter à se rendre au fond du jardin. Sur la pelouse verte et grasse, objet de tous les soins d’un jardinier consciencieux et attentif, un bouquet de tulipes rouges, fraîchement cueillies, est délicatement posé devant l’une des tombes. Tout le monde sait à Landsberg qu’il s’agit de la sépulture d’Oswald Pohl, responsable de l’exploitation de tout ce qui provenait des camps de concentration (bijoux, vêtements, mais aussi cheveux ou dents en or). Mais chacun feint d’ignorer, dans le respect d’une omerta implacable, qui est la petite main qui vient la fleurir régulièrement.
     
    Anton avait raison. Le « cimetière des pendus » offre le visage d’un havre de paix où il fait bon se promener, s’arrêter devant les croix et deviner qui y est enterré en se permettant même une pensée miséricordieuse (ou haineuse) à l’égard de ceux qui les ont exécutés. Et puis il y a le camp d’extermination, caché près de la forêt, avec ses baraquements en fusées de céramique et ses terrains en friche que l’on préfère tenir à l’écart des pas du visiteur.
    « C’est la Bavière dans toute sa splendeur ! s’emporte Axel. D’un côté un camp abandonné où des milliers de Juifs ont été torturés et assassinés… et de l’autre un jardin bien propret où l’on soigne les tombes des assassins ! »
    Voilà que l’envie de vomir me reprend. Je ne m’attendais pas, en commençant cette enquête, à une confrontation aussi brutale avec une idéologie que je croyais moribonde. Je ne parle pas de l’antisémitisme qui sévit encore et

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