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Le Code d'Esther

Le Code d'Esther

Titel: Le Code d'Esther Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Benyamin , Yohan Perez
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répondu Georges Bensoussan, connaître ce peuple que l’on dit “élu”, qui possède le contact direct avec Dieu, qui est toujours vivant après des siècles de massacres et de pogroms. Le connaître pour mieux le combattre et l’annihiler – car il était hors de question pour les nazis de faire cohabiter la race aryenne avec ce qu’ils considéraient comme une race de dégénérés.
    » En même temps, et nous avons beaucoup de témoignages qui vont dans ce sens, le Juif était pour eux investi d’attributs magiques. À tel point que – tout porte à le croire – plus les nazis tuaient de Juifs, plus ils en avaient peur… Comme si la haine pouvait leur revenir en boomerang. Voilà qui expliquerait en partie ce désir obsessionnel de massacrer des Juifs à la fin de la guerre, alors que tout était perdu pour l’Allemagne.
    — De la peur ?
    — La peur née de la fascination. Je m’explique : l’antisémite est un phobique. Il va donc emmagasiner un nombre considérable d’informations sur l’objet de sa haine. Jusqu’à en être fasciné.
    — Là, nous ne sommes plus dans l’histoire…
    — Vous avez raison. Nous sommes plutôt dans le domaine de la psychanalyse. Mais toutes les sciences sont les bienvenues pour essayer de comprendre cette monstruosité qu’a été la Shoah. »
    Dans quelques minutes, le train arrive à Paris. J’aurais sans doute eu besoin d’une heure supplémentaire de voyage pour aller jusqu’au bout de ma réflexion. Je la résume : les Aryens ne peuvent supporter qu’une autre « race » leur dispute la primauté dans l’ordre des humains, a fortiori une race qu’ils méprisent. Ils décident de la faire disparaître de la surface de la Terre. Pour mieux la combattre, ils l’étudient et tombent, comme tous les phobiques, dans la fascination de leur ennemi. C’est là que naît dans leur esprit un sentiment auquel ils ne s’attendaient pas : la peur, une peur panique qu’ils ne peuvent calmer que par la disparition de l’objet de cette peur – le Juif. Un raisonnement singulier mais qui expliquerait en particulier cette formidable industrie de la mort qu’ils ont édifiée, l’une des plus diaboliques jamais imaginées par l’homme : réseau de chemins de fer, camps de concentration, invention du Zyklon B, chambres à gaz, fours crématoires. Sans cela, comment élucider cette folie meurtrière, cette obsession de l’anéantissement qui s’est poursuivie dans les camps à l’Est alors même que les troupes allemandes se rendaient à l’Ouest ?
    Je crois que j’ai besoin, de toute urgence, d’un bon psychanalyste…
     
     
    Nous ne nous étions pas vus depuis plus de vingt ans. Le temps est passé sur nous : mes cheveux ont blanchi, ses formes sont plus généreuses, mais elle conserve cette élégance dont j’avais gardé le souvenir. Pantalon et pull marron recouvert d’un cardigan gris, les cheveux auburn un peu plus courts que la dernière fois, des lunettes noires en écaille mais toujours cette faconde, cette envie de convaincre l’interlocuteur en n’hésitant pas à se servir de ses mains pour mieux scander ses arguments. Régine Waintrater est aujourd’hui une psychanalyste reconnue dont les travaux sur la Shoah et la mémoire ont été salués. D’emblée, nous retrouvons le tutoiement qui était le nôtre il y a vingt ans ; elle m’entraîne dans la cuisine pour me servir un verre d’eau et se préparer un café avant de m’inviter à la suivre dans son bureau. Par déformation professionnelle, sans doute, elle me désigne le divan recouvert d’un kilim tandis qu’elle prend place sur son fauteuil pivotant d’analyste. L’acte manqué (ou voulu) me fait sourire, et la discussion peut s’engager.
    « Tu as raison, dit-elle d’emblée après que je lui ai exposé mes idées sur les ressorts de l’antisémitisme nazi. C’est le mécanisme type de la peur paranoïaque. Dans toutes les logiques génocidaires, on assiste au même phénomène. Le paranoïaque a besoin de son objet, il est obsédé par lui, il veut tout savoir de lui… pour mieux le combattre. C’est l’art de la guerre poussé dans ses ultimes retranchements. On constate en général trois temps dans la mise en marche de cette machine infernale :
    » 1/ Mon ennemi me veut du mal, il me déteste et cherche à me tuer.
    » 2/ Je dois donc me protéger.
    » 3/ Par conséquent, je dois agir et l’annihiler avant qu’il ne me

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