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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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forteresse de Tortose, puis, de là, à Chastel Blanc. Il
y passait ses journées, seul au sommet de la plus haute des tours, à guetter
les messages envoyés – à l’aide d’un jeu complexe de miroirs – par
les Hospitaliers du krak des Chevaliers, distant de seulement sept lieues.
    « Qu’attendons-nous pour attaquer ? » se
lamentait-il à longueur de journée. On parlait de violents combats à Acre, où
depuis la fin du mois d’août les chrétiens tentaient de reprendre aux infidèles
la ville perdue au début de juillet. Simon ne comprenait pas pourquoi on en
faisait une telle affaire. Il ne comprenait pas non plus pourquoi l’on essayait
de reprendre Acre alors que Jérusalem avait tant besoin de renforts.
D’ailleurs, tout lui semblait long, lent, et très mystérieux. Un jour,
finalement, un chevaucheur arriva. Il était à la tête d’une compagnie
d’arbalétriers. Un homme portant fièrement la bannière de saint Pierre les
accompagnait.
    Enfin ! Ce messager, cet étendard, ce devait être
l’espoir d’un mouvement, la promesse d’une action contre les Sarrasins. La
possibilité de devenir un autre. Quelqu’un de puissant, de fort, de beau et de
noble. Un nouvel Érec, un second Lancelot, un Gauvain moderne, le double
d’Yvain, le jumeau de Cligès. Bref, un de ces personnages de légende chantés
par Chrétien de Troyes, dont l’apparition arracherait aux femmes des soupirs
d’autant plus langoureux qu’elles le sauraient inaccessible. Sans parler de ses
congénères qui pousseraient des « Vivat ! » qu’il feindrait de
ne pas entendre.
    Ah, Dieu ! Il n’en pouvait plus d’attendre !
    Depuis quand patientait-il ainsi ?
    Depuis qu’il était né, non loin de la Noël de l’an de grâce
mil cent soixante-neuf – ce qui le plaçait dans sa dix-huitième année. Il
se sentait de la force à revendre, une rage et un cœur sans rival, un amour
pour Dieu qui n’avait d’égal que l’amour qu’il avait éprouvé dans sa prime
jeunesse pour la belle et pure Berthe de Cantobre, quand il était son fidele
d’amore. « Oh, Berthe, que tes douces mains me semblent loin, et que
tes lèvres vermeilles sont pâles quand ma mémoire les évoque à présent !
La blancheur pour moi ce n’est plus ta poitrine, mais mon blanc manteau, les
sommets de l’Hermon, du djebel Ansariya ou du mont Liban. Le vermeil ce n’est
plus tes lèvres, mais la croix de velours cousue à mon revers le jour où je fus
reçu dans l’ordre. Elle seule a droit à mes baisers. Va, Berthe ! Je te
garde dans ma mémoire, aussi chaste, aussi pure, aussi digne que je veux l’être
encore pour toi, même si je t’ai quittée. Car je t’ai quittée pour Dieu. »
    Ainsi parlait Simon.
     
    Plissant les yeux, il regarda de part et d’autre du donjon
de La Fève. Au septentrion, il y avait le mont Thabor. Il distinguait les
ruines du monastère perché sur son sommet comme une plaie. Au couchant, les
sommets enneigés des monts Carmel. Au midi, Le Grand Gérin et Le Bessan,
villages où le Temple entretenait encore quelques troupes. Au levant, Château
Belvoir – entre les mains des Hospitaliers, mais plus pour très
longtemps : les Sarrasins se faisaient de plus en plus pressants. Simon
frissonna. Était-ce le froid ? Il se passa les mains sur les bras, et les
frotta pour se réchauffer.
    Attendre le paralysait. Petit à petit, ses membres
s’engourdissaient. Simon dansa d’un pied sur l’autre pour aider son sang à
circuler, et souffla sur ses doigts. Il ne faisait pourtant pas froid :
son haleine n’était pas visible. Mais ce geste lui en avait rappelé un autre,
qu’il avait fait voici deux semaines dans la tour de guet du Chastel Blanc.
Comme on le savait impatient, pour le corriger, on lui confiait toujours le
premier tour de garde, qui était le plus long. Alors que la relève arrivait, il
s’était senti – de même qu’aujourd’hui – gagné par le froid et avait
soufflé dans ses mains pour les réchauffer. Il était tard dans la nuit, et son
haleine se faisait brume en sortant de sa bouche, avant de s’évaporer dans le
noir. Cette nuit-là, il avait gelé. C’était le jour où l’émissaire du pape était
venu les voir.
    Il n’oublierait jamais.
    L’homme dont il avait pris le pas pour celui de la relève
était en fait l’émissaire, Wash el-Rafid. N’arrivant pas à dormir, il avait
demandé à ses hôtes la permission de visiter le château, et notamment

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