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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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d’aller
faire un tour au sommet du donjon. Où se trouvait Simon.
    En le voyant le visage plongé dans un ennui si profond qu’on
aurait dit un masque, Wash el-Rafid lui avait demandé :
    — Tu t’ennuies, doux frère ?
    Simon n’avait su que répondre. Il craignait d’avoir commis
une faute et demeurait silencieux. Mais, encouragé par l’émissaire du pape à
s’exprimer sans crainte, il avait fini par avouer :
    — Plus que de raison, seigneur.
    — Pourquoi ?
    — Je n’en puis plus d’attendre.
    — Attendre ? s’était étonné l’émissaire. Mais qu’attends-tu ?
    — Que quelque chose arrive. Depuis que je suis en Terre
sainte, on me promène d’un château à l’autre, sans que jamais rien ne se passe.
Les premières gardes sont toujours pour moi. J’ai patienté trois longues années
en Champagne et en France, et, là, je patiente encore. Mon glaive est toujours
vierge. J’en viens à me demander combien d’autres années il me faudra attendre
avant de servir Dieu.
    — Sais-tu ce que disent les infidèles à ce sujet ?
avait demandé Wash el-Rafid.
    — Non, seigneur, avait répondu Simon.
    — « Endurez, car Dieu est avec les
patients. »
    Il était clair que cet homme avait beaucoup souffert.
Combien d’années avait-il attendu, lui ? Simon était tombé à ses genoux et
avait pris sa main pour la baiser.
    — Seigneur, lui avait-il dit, tête baissée, je vous
demande humblement pardon. Je parle en étourdi, mais c’est que je souffre de ne
pouvoir mettre mieux mon courage et ma force au service du Christ.
    — Es-tu prêt à mourir pour Lui ? s’était enquis
l’émissaire du pape en posant sa main sur la tête de Simon.
    Bien sûr qu’il était prêt à donner sa vie pour le Christ.
D’ailleurs, ne l’avait-il déjà fait ? Ne leur avait-on pas dit qu’un bon
chevalier du Temple devait se considérer comme mort avant d’aller au
combat ? Et puis cette mort, quel honneur ! Car, comme le disait
saint Bernard : « Comment redouterait-il de mourir ou de vivre, celui
pour qui la vie est le Christ, et la mort la récompense ? »
    — Ma vie Lui appartient déjà, avait répondu Simon.
    — Veux-tu renaître dans le Christ ? avait demandé
sévèrement Wash el-Rafid.
    — Je n’aspire à rien d’autre, avait confessé
Simon – presque à bout de souffle.
    — Jure-le ! avait dit Wash el-Rafid avec force.
    Levant la main droite et tendant la main gauche, Simon avait
juré, comme le font tous les Templiers, le regard fier et sévère, « qu’à
l’approche du combat il s’armerait de foi au-dedans et de fer au-dehors ;
que ses armes seraient son unique parure ; qu’il s’en servirait avec
courage dans les plus grands périls, sans craindre le nombre, ni la force des
Barbares ; que toute sa confiance était dans le Dieu des armées ; et
qu’en combattant pour Sa cause, il chercherait une victoire certaine ou une
mort sainte et honorable ». Enfin, il avait juré de rapporter à la maison
chêvetaine du Temple, à Jérusalem, le Saint Bois sur lequel avait tant souffert
le Christ. Avec des imprécations terribles, il s’était donné pour la seconde
fois à Dieu, et chaque fois que Wash el-Rafid prononçait un mot, il le répétait
en frissonnant :
    « Ô l’heureux genre de vie dans lequel on peut attendre
la mort sans crainte, la désirer avec joie, et la recevoir avec
assurance ! » avait dit Wash el-Rafid sur un ton impérieux.
    « Ô l’heureux genre de vie dans lequel on peut attendre
la mort sans crainte, la désirer avec joie, et la recevoir avec
assurance ! » avait répété Simon.
    « Maintenant : “Lève-toi et agis, et que l’Éternel
soit avec toi” », avait conclu Wash el-Rafid, citant un verset des
Chroniques, en arrachant d’un geste brutal la croix rouge cousue sur le manteau
de Simon.
    Puis il avait posé la main sur l’épaule du jeune homme pour
l’inciter à se relever. Simon s’était redressé, quelque peu chancelant, et
avait regardé son bienfaiteur. Il avait alors été frappé par sa peau brune.
L’homme avait la physionomie des gens de la région. Mais sa face était burinée.
Comme rongée par la maladie. En outre, une étrange déformation du visage
donnait à sa bouche une allure animale.
    — Seigneur…, avait commencé Simon.
    Mais il n’avait pu finir sa phrase. L’émotion l’étouffait sans
qu’il sût trop pourquoi. Il lui semblait que sa vie avait pris un

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