Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
Vom Netzwerk:
Je n’en sais rien, mais il s’agit probablement d’un de ces miracles
dont l’Histoire est pleine.
    Cassiopée et Taqi avaient écouté Morgennes avec une grande
attention, laissant les crépitements du feu remplacer ses paroles quand il se
taisait, à la recherche de ses souvenirs. Souvent, pendant son récit, ils
s’étaient retenus d’intervenir, pour apporter une précision sur un sujet resté
obscur pour Morgennes, ou lui demander de développer tel ou tel point ;
ils se disaient : « Chaque chose en son temps. Notre heure de parler viendra. »
    À la fin de son histoire, Taqi et Cassiopée ouvrirent la
bouche, presque ensemble, pour dire à peu près ceci : « Il est un
autre miracle que tu ne sais pas ! »
    Ils se regardèrent, bouche bée, confus d’avoir parlé au même
moment, gênés de s’être interrompus l’un l’autre. Finalement, Taqi fit un geste
en direction de sa cousine pour l’inviter à s’exprimer. Cassiopée dit :
    — Morgennes, je sais qui tu es. Je l’ai pressenti la
première fois que je t’ai vu, à Hattin, car tu ressemblais à la description qui
m’avait été faite de toi par certains de tes amis, restés en France et en
Flandre, et notamment par l’un d’eux, un dénommé Chrétien de Troyes.
    Morgennes la regarda, stupéfait.
    — Ce nom te dit-il quelque chose ? demanda
Cassiopée.
    — Pas vraiment, répondit Morgennes, à la fois gêné et
curieux.
    — C’est pourtant ton meilleur ami. Ensemble, m’a-t-on
dit, vous étiez plus redoutables qu’une bande de chanoines lâchés dans les rues
de Paris…
    (Ils ne virent pas, lorsque Cassiopée prononça le nom de
Chrétien de Troyes, Simon ouvrir de grands yeux. Il l’écoutait parler,
pétrifié, le regard fixe, buvant ses paroles comme un puissant philtre.)
    — Chrétien a toujours écrit en pensant à toi. Tu as
inspiré la plupart de ses œuvres, d’Érec et Énide à Lancelot ou le
Chevalier de la Charrette, en passant par Yvain ou le Chevalier au Lion. Aujourd’hui, Chrétien se fait vieux. Le roman qu’il a commencé il y a cinq
ans, en s’inspirant de tes aventures égyptiennes et de ta quête des larmes
d’Allah, est resté inachevé à cause de ta disparition. Maintenant, je comprends
ce qui s’est passé. Tu étais tombé dans cette embuscade tendue par les
Templiers. Tu as souffert, et tu l’as oublié. Reviens, Morgennes, qu’il puisse
finir son œuvre et que Philippe d’Alsace soit content…
    Morgennes ne répondit rien. Pendant un court instant, le feu
de branchages illumina son visage de reflets écarlates, donnant à ses cheveux
clairsemés un aspect mordoré.
    — Comment s’intitule ce roman ? demanda Morgennes.
    —  Perceval ou le Conte du Graal.
    —  Je m’appelle Perceval ?
    — Non, tu t’appelles Morgennes. Mais tu es bien, si
Chrétien dit vrai, « le Fils de la Veuve qui avait pour domaine la Gaste
Forêt »…
    — La Gaste Forêt… Cela ne me dit rien, ou si peu. Je me
souviens d’un pont…
    Cassiopée prit la main de Morgennes, et la serra
étroitement. Elle semblait étonnamment émue.
    — Ta quête est terminée, Perceval. Tu as trouvé ton
graal. Il faut rentrer maintenant.
    — Je n’en ai pas le droit. Pas maintenant. Je dois
encore apporter la Vraie Croix à mon ordre, et retrouver Crucifère. Sans elle,
ma lèpre va se déclarer, ronger mon corps et me laisser comme ces os, là,
dehors…
    Taqi se leva, épousseta sa tunique de Templier, lissa sa
moustache d’un geste élégant, et dit, quand il fut certain d’avoir conquis
l’attention de son auditoire :
    — Je sais où trouver Crucifère et le moyen de te
guérir !
    — Où ça ? demanda Morgennes.
    — À l’oasis des Moniales.
    — L’endroit dont Fémie a parlé ! Tu sais où
c’est ?
    — Oui, je crois. Mais je ne le connaissais pas sous ce
nom. Pour nous, au Yazak, c’est le royaume de Zénobie, la reine des Amazones.
Il s’agit d’un lieu enchanté, qu’on dit hanté par le démon. Même les djinns
redoutent d’y aller. À l’instar de Sohrawardi, elles connaissent des remèdes à
bien des maladies. Mais tout se monnaye… Je n’ose imaginer, Morgennes, ce qu’il
faudrait payer pour te guérir de la lèpre…
    — Je n’ose imaginer, ajouta Morgennes, ce que Massada a
payé ; si ce sont elles qui ont empêché sa maladie de progresser…
    — Accepteront-elles de nous aider ? s’inquiéta Cassiopée.
    — Elles sont chrétiennes, après tout,

Weitere Kostenlose Bücher