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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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de Montferrat ? Onfroi de Toron ? Plebanus du
Boutron ?
    — Ces deux derniers sont morts dignement, tués par mes
mamelouks. Quant au premier, le vieux marquis de Montferrat, je le garde pour
le moment dans mon palais du Caire. Son fils, Conrad, maintenant prince de Tyr,
aimerait que je le libère contre rançon. Nous discutons des modalités… Ah, mais
voici nos amis…
    En effet, entraient dans la tente Cassiopée et Taqi, que
Saladin serra tous deux contre son cœur. Ils apprirent au sultan ce qui leur
était arrivé ; racontant, pour Cassiopée, son enlèvement par une troupe de
Maraykhât qui travaillait pour les Assassins, alors qu’elle se rendait à dos de
chamelle à Bagdad ; pour Taqi, comment ses hommes et lui-même étaient
tombés dans une embuscade, tendue par Châtillon, un mystérieux Sarrasin envoyé
par le pape, et certainement avec l’aide – une fois encore – des
Maraykhât.
    — Les prédictions de Nâyif ibn Adid se sont en partie
réalisées, dit Taqi. Même si, ayant vu le mal sous le masque du bien, je n’ai
pu faire autrement que d’aller l’affronter…
    En apprenant la mort de son fidèle Tughril, Saladin pleura
beaucoup et ordonna que l’on remît au fils du noble mamelouk plusieurs coffrets
d’or et de bijoux. Puis il se tourna vers Morgennes :
    — Que puis-je faire pour te remercier d’avoir sauvé ma
nièce et mon neveu ?
    — À combien de faveurs ai-je droit, noble
Saladin ? demanda Morgennes, amusé que le sultan veuille le remercier
d’avoir sauvé deux êtres envers lesquels lui-même était en dette.
    — À autant que tu veux.
    — J’aimerais, pour commencer, que Maïmonide examine mon
écuyer. Je sais qu’il n’est pas meilleur médecin sur terre depuis Avicenne, et
qu’il saura vite le remettre sur pied.
    — Ce sera fait. Je lui dirai aussi de t’examiner.
Est-ce là tout ce que tu désires ?
    — Non, Glaive de l’Islam. Mais je ne sais si je dois…
    — Parle, je t’écoute.
    — J’aimerais être délié de mon serment d’allégeance à
la vraie foi.
    —  Hum. Tu me demandes presque de te punir.
    — Je vous en supplie, Splendeur de l’Islam ;
considérez plutôt que je ne mérite pas cet honneur. On ne fait pas un oiseau
d’un poisson.
    — La perte pour l’Islam d’un homme tel que toi serait
énorme.
    — Et ma propre perte, Éminence ?
    — C’est bien d’elle qu’il s’agit…
    Deux minces filets de larmes coulèrent des yeux de Saladin.
Autour de lui, Taqi, Cassiopée, Morgennes, Abu Shama et al-Afdal regardaient, étonnés,
sans comprendre.
    — Pourquoi pleurez-vous, mon père ? s’inquiéta
al-Afdal.
    — Je pleure, parce que celui-ci, dit Saladin en
montrant Morgennes, qu’on a traîné de force au paradis, demande à en
sortir ! En vérité, je m’interroge : que faut-il faire pour amener
les dhimmis à embrasser la Loi ? Sans parler des païens…
    Tous considéraient Morgennes en silence. Lui-même était
gêné, troublé de l’importance que revêtait sa conversion, comme n’importe
quelle conversion, pour Saladin.
    — Si je n’avais pas sauvé Cassiopée, dit-il enfin,
Renaud de Châtillon vous l’aurait échangée contre la Vraie Croix, parce qu’il
savait que l’or ne vous intéressait pas. Cela faisait partie de sa stratégie…
Il savait que vous céderiez.
    — Et il avait raison ; car ma nièce (la paix soit
sur elle) vaut bien plus que deux cent mille besants d’or…, convint Saladin en
faisant référence au marché que les Hospitaliers avaient voulu lui proposer.
Même si Cassiopée t’a aidé, ton courage et ton abnégation ont été déterminants.
Sans toi, qui sait, Taqi serait peut-être mort… Cela dit, je veux bien accéder
à ta requête. Mais il s’agira d’un don contraignant. Je te délie de ton
serment. En échange tu me devras une faveur. Laquelle, je ne le sais pas
encore. Mais un jour je te demanderai de me rembourser. J’espère alors que le
Très Haut (loué soit Son nom) t’aura suffisamment comblé, car j’ai l’intention
de beaucoup réclamer…
    — J’aurai plaisir à vous satisfaire, dit Morgennes.
Mais, encore une chose, ô Roi des rois : j’aimerais que vous me laissiez
emporter cette relique, la Vraie Croix.
    — Comment ! s’exclama Saladin. Mais c’est moi qui
t’en supplie ! Bien sûr, prends-la. Et surtout ne la perds pas :
apporte-la vite aux tiens. Qu’ils l’envoient à Rome, à votre pape, et que tous
voient

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