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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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indissociables.
    — C’est une lame sainte, se contenta-t-il de dire. Elle
a été forgée il y a plusieurs siècles, pour permettre aux chrétiens de se
défendre contre les démons. Guillaume de Tyr prétendait que sa lame avait été
trempée dans le sang d’un dragon, ce qui lui donnait intelligence, souplesse et
solidité.
    — Intelligence ?
    — Oui, confirma Morgennes. Comme Durandal, Joyeuse ou
Excalibur, cette épée a une personnalité. Amaury a passé des années à la
rechercher, s’aidant des conseils de Guillaume de Tyr et m’envoyant en mission
partout où l’on pensait la trouver.
    — Où l’avez-vous découverte, finalement ?
    — À Lydda, dans un ancien tombeau qu’un tremblement de
terre avait mis au jour, en 1170.
    — Sait-on de quel tombeau il s’agissait ?
    — Nous n’en sommes pas certains, mais il y avait sur
les murs de cette tombe des fresques laissant penser qu’elle pouvait être celle
de saint Georges. On y voyait un soldat en armure combattre un puissant dragon.
    — Ce serait donc l’épée d’un saint ?
    — Oui, bien que l’idée d’un saint maniant l’épée m’ait
toujours rebuté.
    Simon s’abandonna alors à des réflexions qu’il préféra ne
pas formuler. Pour lui, la sainteté ne pouvait se conquérir que les armes à la
main, en s’exposant aux dangers les plus grands, et en vainquant les ennemis de
la foi ou en périssant. Apparemment, il n’en allait pas de même pour Morgennes.
    — Pourquoi, demanda Simon, avoir intégré l’Hôpital, si
l’idée d’un guerrier saint vous est à ce point insupportable ?
    — Ce n’est pas la sainteté qui me gêne, ni le fait de
combattre, répondit Morgennes. C’est le fait de les associer. Vois-tu, je suis
bien un guerrier, mais je n’ai rien d’un saint. Et c’est parfait comme ça. À
l’origine, l’Église refusait d’honorer ceux qui mouraient les armes à la main,
pour quelque raison que ce fût. Puis en 314, un an après l’édit de Milan
autorisant le christianisme dans l’Empire romain, le concile d’Arles condamna à
l’excommunication ceux qui rechignaient à porter les armes pour défendre ce
même Empire – et donc la chrétienté. Ensuite, il y eut saint Augustin, la
chute de Rome et les assauts des Sarrasins en Espagne, en Sicile, en Provence…
et ce phénomène n’a cessé de s’amplifier. Jusqu’où cela ira-t-il ? Je suis
entré dans l’Hôpital parce que c’est un ordre difficile, ayant pour vocation de
soigner les malades, alors que le Temple est un ordre strictement militaire. Je
n’ai d’ailleurs été pendant très longtemps pour les Hospitaliers qu’un
mercenaire, un auxiliaire – une sorte de partie honteuse et qu’il faut
cacher. Pour l’Hôpital, intégrer un soldat était plus un mal nécessaire qu’une
bénédiction, du moins au début. Ma véritable réception dans l’ordre, en tant
que chevalier, est beaucoup plus récente. Elle a moins d’une dizaine d’années.
    — Depuis combien de temps êtes-vous ici ?
    — Cela fera bientôt un quart de siècle. J’avais à peu
près ton âge en arrivant. J’étais alors…
    Il s’interrompit. Sa mémoire lui faisait défaut. Il allait
dire : « J’étais alors un tout jeune chevalier », mais il se
rendait compte que, chevalier, il ne l’était peut-être pas encore. En fait, il
devait se l’avouer, s’il avait pensé cela, c’est parce que Simon avait lui-même
été adoubé chevalier. En d’autres temps, en d’autres circonstances, Simon
aurait dû attendre encore un an ou deux avant de pouvoir l’être. Mais la
défaite de Hattin et un besoin pressant de sang neuf avaient précipité les
choses.
    Quant à Simon, il se faisait la réflexion en regardant
Morgennes que celui-ci était en quelque sorte un moine ayant remplacé le
silence de la méditation par le fracas des armes. Et qui avait accepté d’en
payer le prix. Pour Morgennes, il n’y avait pas de paradis.
    C’était exactement l’inverse de ce qu’on enseignait aux
autres Hospitaliers, aux Templiers, aux Assassins, aux soldats du jihad, enfin,
à tous ceux qui se battaient et avaient hâte de mourir, justement parce qu’ils
étaient certains d’aller tout droit au paradis. Sinon, auraient-ils défendu
leurs idées avec la même foi ?
    Simon en doutait. Au fond, ceux-là n’étaient pas prêts à
donner, ils ne voulaient que recevoir. Mouraient-ils en martyrs parce qu’ils
mouraient persuadés d’agir

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