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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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plus faible des treize tours du
krak :
    — Ta mission n’est pas terminée, non. Tu rapporteras la
croix tronquée à Jérusalem, qui en a plus besoin que Rome. Rome, elle, aura
ceci…
    Il toucha du doigt la Vraie Croix, celle des Moniales.
    — S’il plaît à Dieu que Rome reconnaisse en elle celle
sur laquelle le Christ a été crucifié, eh bien, ainsi soit-il. Sinon…
    Morgennes termina sa phrase pour lui :
    — Le Temple aura gagné.
    Beaujeu serra le poing et l’abattit sur la table, faisant
sauter les hanaps :
    — Cela n’arrivera pas, foi jurée !
    Son regard enfiévré ne quittait pas Morgennes…
    Quelques instants plus tard, Morgennes et Beaujeau
descendirent dans la salle principale afin d’y prendre leur repas en compagnie
des autres chevaliers de la maison. Une trentaine de pauvres, venus des
contrées environnantes, partageaient le déjeuner des Hospitaliers, conformément
à l’usage qui voulait que, lors de la mort d’un frère, on nourrisse un pauvre
en son nom pendant un nombre de jours dépendant de son rang.
    Tous mangeaient dans un silence rythmé par la lecture des
Évangiles. Chacun s’appliquait à finir son brouet, piquant un bout de viande de
la pointe de son couteau, portant à sa bouche le jaune d’un œuf cuit dans sa
coquille, se léchant les doigts – pendant qu’un corneur d’eau remplissait
les timbales. Partageant le pain du frère commandeur, Morgennes remarqua
plusieurs regards, discrètement tournés dans leur direction. La plupart des
frères attablés à côté d’eux étaient des inconnus pour Morgennes, qui les
trouvait tous très jeunes. Ils avaient – comme Simon – le teint pâle
des nouveaux arrivants.
    — Ces oies blanches ne tarderont pas à brunir, murmura
Beaujeu, qui avait deviné ses pensées.
    — Si leurs ailes ne brûlent pas avant, répondit tout
bas Morgennes.
    En fait, deux visages, burinés par le temps et les émotions,
avaient retenu son attention. Le premier était celui d’un homme d’une
quarantaine d’années, qui devait être italien, et fort riche à en juger par ses
vêtements. L’autre n’était point un inconnu. Morgennes l’avait croisé, jadis,
en compagnie de Balian II d’Ibelin – dont il était le courageux
écuyer : Ernoul. On racontait qu’il avait déjà, à deux reprises, refusé
d’être adoubé chevalier : « Je n’ai d’autre ambition que de rester
l’écuyer de Balian, et de le servir de mon mieux », disait-il.
    À la fin du repas, comme les frères quittaient la salle pour
laisser la place à un second service, Alexis de Beaujeu invita Morgennes à
venir inspecter les remparts avec lui.
    — Nous avons monté de nouvelles catapultes, capables de
lancer des pierres d’une centaine de livres, jusqu’à six arpents. Avec elles, nous
écraserons les armées de Saladin si jamais elles osent s’approcher de nos murs.
    D’autres convives se joignirent à eux, parmi lesquels Ernoul
et le mystérieux Italien que Morgennes avait repéré. Alexis le lui
présenta :
    — Morgennes, voici Tommaso Chefalitione, un Vénitien
qui nous a rendu bien des services. C’est lui qui a emmené Josias de Tyr à
Palerme puis à Ferrare…
    Morgennes, qui avait beaucoup entendu parler de Josias par
Guillaume, en profita pour demander de ses nouvelles :
    — Ma foi, d’après ce que je sais, dit Chefalitione, il
doit être en route pour la cour du roi de France. Philippe Auguste
s’apprêterait à le recevoir, et je gage qu’il l’écoutera avec attention. Malgré
sa jeunesse, ce Josias est très talentueux. Je ne doute pas qu’il réussira là
où tant d’autres avant lui ont échoué. S’il parvient à convaincre, d’ici au
début de l’année prochaine trois puissantes armées, sans compter celle du roi
de Sicile, viendront renforcer les défenses de Jérusalem. La ville sera sauvée.
    — Je crains qu’elles ne doivent la reprendre, si elles
n’arrivent pas très vite, précisa Ernoul.
    Ils se tournèrent vers lui. Son visage inquiet était le plus
éloquent des discours. Il entrelaça ses mains aux longs doigts, et ajouta,
d’une voix étonnamment fluette pour sa corpulence :
    — Saladin a quitté Tyr. Son armée campera bientôt sous
les murs de Jérusalem. Nous avons besoin de troupes. Et c’est maintenant qu’il
nous les faut, pas dans six mois, ni dans six semaines.
    Il s’était exprimé avec une grande douceur, mais aussi beaucoup
de fermeté. Morgennes observa

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