Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
Vom Netzwerk:
qu’Alexis dit ensuite. Les
paroles du commandeur du krak se perdaient dans un épais brouillard. Il
n’écoutait pas. Il était tout à ses réflexions, penché sur son passé. Il ne lui
avait pas paru, avant de s’entretenir avec Cassiopée, qu’un homme devait avoir
un passé. Ou bien, il avait oublié. Mais en la voyant – comme il la voyait
maintenant, marchant le long des chemins de ronde du krak en compagnie de Simon –
il se demanda ce qui l’avait éloigné de ce passé, justement. Et sa mère, la
Veuve de la Gaste Forêt ? Aucun visage ne se dessinait dans sa mémoire,
aucun trait, pas un son, pas une odeur, pas un fait. Elle était un fantôme
perdu dans les limbes de sa vie. Réapparaîtrait-elle un jour ? Le
souhaitait-il ? Il n’en savait rien.
    S’absorbant dans la contemplation des traits de Cassiopée,
il se morigéna d’avoir souhaité, à Hattin, l’empêcher d’accomplir sa mission.
Et ce jeune homme, ce Simon. Lui ressemblait-il quand il était plus
jeune ? Plein de fougue et de détermination, certain d’avoir Dieu pour lui
et d’être dans le droit chemin ?
    Morgennes se remémorait quelques paroles, récentes, de
Guillaume : « Il importe assez peu, Morgennes, que tu sois juste,
pourvu que tu t’efforces de l’être. Que tu sois préoccupé de justice suffit à
te distinguer de la masse des hommes. Il en est de même pour la vérité.
Cherche-la. Tu ne la trouveras jamais, parce qu’elle n’est pas de ce monde.
Mais du moins t’en approcheras-tu. Car s’il est difficile de l’atteindre, en
revanche, il est facile de s’en éloigner. Et celui qui s’en tient à l’écart le
sait… »
    Un autre visage se superposa à celui de Guillaume ; le
visage, plus jeune, d’Alexis de Beaujeu, dont les traits émaciés et le regard
soucieux disaient quelles graves pensées le hantaient, quelles responsabilités
pesaient sur ses épaules.
    Morgennes revint à lui, juste à temps pour entendre les
dernières paroles du discours d’Alexis :
    — Ce qui commence à Jérusalem finit à Jérusalem.
    — Pardon ? dit Morgennes.
    Beaujeu fit quelques pas dans la pièce, allant d’une fenêtre
à l’autre, jetant de rapides coups d’œil au-dehors, puis se tourna vers son
ami :
    — Tu n’écoutais pas, n’est-ce pas ?
    — Je dois avouer que non.
    — Hum…
    Le commandeur avait l’habitude des absences de Morgennes. À
quoi étaient-elles dues ? Il les mettait sur le compte de son séjour en
prison, puis de sa fuite, peu après avoir récupéré les larmes d’Allah, bien des
années auparavant. Depuis, Morgennes avait changé.
    Alexis s’étonnait de son manque apparent de sensibilité.
Pourtant, Dieu sait si Morgennes avait du cœur. Mais il vivait comme en retrait
de ses sentiments, ne les retrouvant qu’en de rares instants. Pour le reste,
c’était une forteresse. Morgennes était comme le krak des Chevaliers, perché en
haut de sa montagne.
    — Voici quel est mon plan, annonça Beaujeu. J’aimerais
que tu apportes la Vraie Croix à Jérusalem.
    — Mais… et Rome ?
    Alexis eut un geste de la main :
    — Rome, Rome… Rome n’aura pas à se plaindre, elle aussi
aura sa Vraie Croix.
    Le commandeur du krak se pencha vers le Saint Bois que
Morgennes avait rapporté de l’oasis des Moniales :
    — Est-il possible que pendant toutes ces années la
Vraie Croix ait été cachée là-bas, à l’insu de tous ? Nous n’aurions alors
fait qu’adorer un faux Dieu, une idole…
    — Non, dit Morgennes.
    — Comment ça ?
    — Dieu s’incarne où Il Lui plaît. La Sainte Croix que
nous avons adorée jusque-là était aussi vraie que celle de l’oasis. D’une
certaine façon, c’est l’adoration qui fait la Croix, pas le bois.
    — Je vois. Mais alors, combien de Vraies Croix peut-il
y avoir ?
    — Une infinité. Autant que de croyants en tout cas…
    Beaujeu se pencha pensivement par la fenêtre aux lourds
rideaux de laine blanche et contempla la montagne.
    — Quelle beauté !
    Morgennes regarda avec lui les encaissements et les monts
escarpés du djebel Ansariya, qui s’égrenaient jusqu’à l’horizon, au-delà duquel
on devinait la mer, ou du moins son reflet.
    — Pourtant, il y a dans ces montagnes tant de choses
différentes. Des forteresses aux mains des Assassins, des places fortes
templières, nous-mêmes, des bergers…
    Beaujeu revint au milieu de la pièce – sa chambre, qui
se situait par tradition au sommet de la

Weitere Kostenlose Bücher