Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
Vom Netzwerk:
haubert avec un reliquat de racine blanche :
    — T’a-t-il beaucoup servi ?
    — À peine, répondit Morgennes.
    — Ah bon ?! s’étonna Yemba.
    — Apparemment, Dieu me préserve des combats. Depuis
Hattin, je n’ai essuyé qu’une seule volée de flèches. En outre, je ne crois pas
avoir versé le sang…
    — Hum, fit Yemba, étonné. C’est bien étrange. Tu dois
être l’un des rares en ce pays à qui cela soit arrivé.
    — Pendant longtemps je n’ai pas eu d’armes. Puis j’ai
récupéré une grosse paire de tenailles. Mais je ne l’ai pas utilisée… Les
occasions n’ont pas manqué, mais les choses se sont trouvées ainsi. Maintenant,
j’ai Crucifère, dit-il en caressant la croix de bronze sertie sur la poignée de
son épée. Cela dit, elle n’a quitté mon fourreau que pour couper des
bougies !
    Yemba sourit et fit un dernier signe de la main à son ami,
criant :
    — Dieu te garde !
    — Toi aussi ! dit Morgennes.
    — Non, ajouta Yemba. Ce n’était pas un souhait, mais
une constatation !
    Puis il mordilla sa racine, et s’éloigna en riant.
    Ernoul s’approcha de Morgennes :
    — Drôle de personnage, toujours en train de rigoler…,
dit-il. On dirait que la destruction de l’oasis des Moniales ne l’a pas
affecté…
    — Ce n’est pas le cas, expliqua Morgennes alors que
Yemba et son escorte d’Hospitaliers disparaissaient derrière une colline. Mais
il n’en montre rien. Yemba ne montre de la vie que ce qu’il aimerait y
voir : de la joie.
    Comme pour les saluer, alors qu’il passait à son tour de
l’autre côté de la colline, l’éléphanteau leva la trompe et barrit une dernière
fois. Enfin, Morgennes et les siens gagnèrent le bac, manœuvré par des soldats
de Saladin. Grâce à Taqi, ils purent traverser sans encombre.
    L’étrange équipage continua sa route vers le couchant, avant
d’obliquer légèrement vers le midi. Ernoul marchait au côté de Morgennes, avec
Taqi. Yahyah, monté sur un poulain, suivait avec Babouche. Puis venaient
Cassiopée et Simon – qui portait la croix tronquée, dont il avait glissé
un fragment dans son aumônière. Quant à Massada, qui pleurait le départ de
Carabas – parti avec Yemba en direction de la mer Morte –, il
empestait la charogne. La lèpre avait encore gagné du terrain. Bientôt il
devrait se résigner à prendre une crécelle et à s’envelopper de bandelettes.
Pareils à une terre privée d’eau, ses bras, ses jambes, son torse s’étaient
couverts de craquelures. Ses membres avaient gonflé ; ses articulations
étaient constellées de plaques cuivrées ; ses doigts disparaissaient dans
des concrétions grisâtres, préfigurations de notre lot à tous : la
poussière. Massada mourait par petits bouts, s’abîmant dans de profonds
monologues avec Rufinus, qui, étant bâillonné, l’écoutait mais ne pouvait lui
répondre autrement qu’en clignant des yeux. À moins que ce ne fût à cause du
sable.
    Massada parlait souvent de sa femme, qui lui manquait
cruellement.
    — Depuis qu’elle est partie, je m’en vais également.
C’est plus fort que moi.
    Morte, elle se parait à ses yeux de toutes les qualités,
redevenait celle dont il était tombé amoureux, autrefois. Celle qu’il avait
épousée. Ces derniers temps, elle n’avait plus été pour lui qu’un vieux
vêtement, une cape un peu lourde, au tissu épais, et qu’on a trop portée. Ce
qui l’avait conduit à changer d’attitude, surtout, c’était la venue de
Cassiopée. Massada s’ennuyait dans son échoppe, quand il avait vu dans le ciel
un faucon. Il avait fait quelques pas dans la rue pour mieux voir cet oiseau,
qui décrivait des cercles comme à la recherche d’une proie.
    L’oiseau s’était posé sur l’auvent de sa boutique.
    — Sans doute attiré par ses coloris rouge et jaune,
expliqua Massada à Rufinus. Des curieux levaient le nez pour admirer ce
magnifique oiseau, qui venait de choisir mon échoppe pour perchoir. M’emparant
d’un long bâton, que je vendais comme étant celui à l’aide duquel Moïse avait
ouvert la mer Rouge, je m’apprêtais à l’en chasser, quand une voix me
dit :
    « N’y touchez pas ! »
    Je regardai alentour, et vis une superbe jeune femme. Malgré
ma petite taille, elle n’était pas beaucoup plus grande que moi. Châtain, les
yeux bleus, il émanait de sa personne une force incroyable, un charme
fantastique. D’une certaine façon, elle seule avait

Weitere Kostenlose Bücher