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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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donna elle aussi sa
version des faits : « Les inscriptions tracées le long des cierges
étaient des incantations magiques dont la puissance redoublait avec l’odeur
dégagée par la cire en brûlant. Le premier ordre reçu était d’allumer la
bougie. Ensuite, on ne pouvait plus ni bouger ni parler. »
    Cassiopée, paralysée, avait donc vu avec horreur l’aspic se
dégager de son fourreau de cire tel un oisillon sortant de sa coquille, et se
diriger lentement vers elle. Mais, curieusement, elle n’avait pas été mordue.
(À ce passage, Taqi eut un léger sourire, et regarda les nombreux tatouages de
sa cousine. Certains avaient la réputation d’éloigner les serpents.
L’explication devait certainement se trouver là.) Ensuite, le reptile s’était
dirigé vers le comte de Tripoli, qui était endormi, et l’avait mordu.
    En examinant le corps de Tripoli, on trouva la trace de la
morsure. En fouillant sa chambre, on trouva l’aspic.
    — Les événements se précipitent, fit observer
Morgennes. Autrement, Sinan aurait attendu la Noël pour vous tuer tous, dans la
chapelle, quand vous auriez utilisé les cierges pour les fêtes.
    — Mais quel intérêt a-t-il à nous frapper ?
demanda Beaujeu.
    — Ce n’est pas seulement vous qu’il atteint, répondit
Morgennes. Contre l’Hôpital, il ne peut pas grand-chose. Mais le krak est la
seule forteresse de la région qui lui résiste encore, les Templiers ayant déjà
partie liée avec lui. Le comte de Tripoli mort, ce sont ses terres qui sont
désorganisées. En ces périodes de troubles, s’occuper de la succession du comte
ne sera pas si simple. Il a porté un rude coup à l’Hôpital, qui de toutes les
factions de Terre sainte est celle qui lui est la plus opposée, et la moins
désorganisée.
    Parce qu’ils avaient fait courir d’énormes risques à la
maison, le frère chapelain et le frère infirmier furent condamnés à passer
devant le tribunal de pénitence à la fin de la semaine. Le frère chapelain
préféra la damnation au déshonneur, et se jeta – alors qu’on le conduisait
sous bonne escorte à sa chambre – par une fenêtre donnant sur un
précipice. Le frère infirmier, lui, bénéficia de la clémence du tribunal. Après
tout, le krak avait besoin de lui. Il était le seul médecin. En outre, le frère
chapelain s’étant suicidé, tous les soupçons se reportèrent sur lui.
    On aurait pourtant dû l’épargner, car s’il était dur –
de cœur, d’esprit –, sa dureté l’empêchait justement de trahir ceux dont
il désapprouvait les mœurs. Nul ne vit le frère infirmier se réjouir à la messe
dite, au krak des Chevaliers, en l’honneur de Raymond de Tripoli. Nul ne le vit
se frotter les mains de plaisir, et nul ne l’entendit murmurer tout bas, les
yeux dans le vide, des paroles de haine.
     
    Le lendemain matin, à l’aube, les trois groupes constitués
par Alexis de Beaujeu se mirent en route, Morgennes emmenant Rufinus –
maintenant bâillonné. Simon ne quittait pas des yeux Cassiopée, se montrant en
tout d’une prévenance exemplaire.
    Quant au cercueil de Tripoli, il partit avec Tommaso
Chefalitione, Fenicia, la comtesse de Tripoli et leurs enfants, le comte ayant
demandé à se faire enterrer en Provence.
    La ruse était subtile. Au beau milieu de la nuit, Morgennes,
Chefalitione et Beaujeu avaient sorti Raymond de Tripoli de son cercueil pour
le remplacer par la Vraie Croix. Son corps avait ensuite été enterré sous une
dalle anonyme, dans le petit cimetière situé derrière la chapelle ; et la
Vraie Croix avait été séparée en deux, le patibulum et le poteau couchés
côte à côte dans la bière.
    Morgennes s’étonna de les voir y entrer tous les deux, lui
qui s’était dit : « Le poteau n’y tiendra jamais. » En fait, ils
se retrouvèrent avec de la sciure de bois sur leurs gants de cuir. La Vraie
Croix commençait à se désagréger.

 
24.
    « Puis il dit à
l’homme : “La crainte du Seigneur, voilà la sagesse ; fuir le mal,
voilà l’intelligence.” »
    (Job, XXVIII, 28.)
     
    Quelque temps après être entrés dans ce qui composait
encore, moins de trois mois auparavant, le royaume franc de Jérusalem, Yemba et
Morgennes se séparèrent. Le premier alla vers l’orient et le second à l’ouest,
de l’autre côté du Jourdain. Peu avant de le quitter, serrant son ami contre
lui pour un au revoir qu’il savait un adieu, Yemba lui demanda – touchant
son

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