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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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rangs, l’exfiltrer ; lui
tendre des embuscades ; détruire ses vivres, endommager son matériel,
voler ses chevaux, enlever ses officiers…
    Taqi ad-Din mit un genou en terre, baisa la main de Saladin,
bredouilla une excuse, puis se tourna vers Morgennes – qui reconnut
aussitôt l’homme qui, non seulement lui avait sauvé la vie, mais avait
également ramené, tout à l’heure, trente prisonniers à lui seul, et leur avait
donné à boire.
    Morgennes continua d’étudier Taqi tandis qu’il se débarbouillait
le visage avec un linge blanc. Il portait un bliaut de drap noir, et, chose
étrange, n’était revêtu d’aucune armure. Quant à son arme, elle était facile à
reconnaître : c’était la sienne, Crucifère, l’épée que lui avait donnée
Baudouin IV – et qui était, avant, celle du bon roi Amaury. Une lame
qui avait fait couler beaucoup de sang, et que Taqi, visiblement, trouvait à
son goût.
    La monture de Taqi était celle sur laquelle il avait
combattu la veille, à Hattin : simplement, on l’avait, elle aussi, enduite
de noir. Comme elle avait beaucoup transpiré, par endroits la suie avait coulé,
révélant une superbe jument blanche. De belles oreilles partaient à l’oblique
d’une tête nerveuse, surmontée d’un toupet de crins blancs. Seul Taqi pouvait
la prendre par la bride sans déclencher de ruades. Il lui chuchota quelques
mots à l’oreille, et la jument s’éloigna docilement vers la plaine.
    Taqi lissa sa moustache et se tourna vers son oncle.
    — C’est donc lui, dit Saladin, l’homme dont tu m’as
tant vanté le courage…
    — C’est lui, répondit Taqi.
    — Qui est-ce, exactement ?
    — Un brave.
    — Est-ce là tout ce que tu peux me dire sur cet
individu que tu m’as demandé de séparer des siens ?
    — Pardonnez-moi, mon oncle, mais ce n’est pas vous qui
l’en avez séparé : c’est lui-même. Il a fait preuve de plus de vaillance
et de ténacité qu’aucun autre chrétien. D’ailleurs, il voulait encore se battre
alors que la bataille était depuis longtemps terminée.
    — Pourtant, il s’est rendu.
    — Je l’en ai convaincu. Réjouissons-nous d’avoir, pour
une fois, vivant, un de ces braves que la mort nous prend si souvent.
    — Hum, fit Saladin, dubitatif. Tu veux que je l’honore
parce qu’il est en vie ?
    — Très cher oncle, Splendeur de l’Islam, nous sommes
hélas incapables de l’honorer comme il le mérite. Cet homme s’est honoré
lui-même, en se montrant à la hauteur de ses idéaux. En lui rendant hommage,
c’est à nous que nous ferons honneur.
    — Assez, coupa Saladin, qui commençait à trouver Taqi
agaçant. Il est temps de demander son avis à celui dont nous venons de parler,
conclut-il en posant la main sur l’épaule de Morgennes.
    Celui-ci avait de nouveau sombré, terrassé par la soif.
    — À boire ! gémit-il.
    — Ton nom ! ordonna Saladin.
    — Il meurt, s’interposa Taqi. Il faut lui donner à
boire.
    — Qu’il donne d’abord son nom, souffla Sohrawardi en se
frottant les mains l’une contre l’autre.
    Autour d’eux, le silence était total. Tous tendaient
l’oreille. Connaître le nom de ce chevalier franc était devenu aussi important
pour eux que de savoir le nom secret des djinns, le nom qu’ils auraient au
paradis et par lequel les houris les inviteraient à rejoindre leur couche.
    — À boire, répéta Morgennes dans un nouveau râle.
    — Dis-nous ton nom ! Sinon, je te coupe les
oreilles et la langue et je les donne à Majnoun ! tempêta Saladin.
    Il sortit de son fourreau une longue lame, et la tint devant
les yeux de Morgennes. Dans son esprit tourmenté, celui-ci avait bien compris
que quelqu’un lui avait demandé son nom. Mais un nom, c’était quoi ? Il
n’en savait rien. Il lui semblait entendre ce mot pour la première fois.
D’ailleurs, il ne se souvenait même pas de ce qu’un jour il ait pu être nommé.
    — Il s’appelle Morgennes, dit alors une voix.
    Saladin tourna son épée vers celui qui avait parlé :
Guillaume de Montferrat. Le vieux chevalier triturait nerveusement un foulard
noir et jetait des regards inquiets autour de lui. Jamais, de sa vie, il
n’avait suscité pareille attention. « Jamais, de ma vie – pensa-t-il
alors –, je n’ai proféré parole aussi grave… » Ce qu’il venait de faire
pouvait condamner Morgennes à mort. Il s’en repentait déjà.
    — Tu le connais donc ? continua Saladin

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