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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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Balian.
    — Ils ne sont pas armés, expliqua Daltelar. Mais ils
ont du sang plein les mains, et certains plein la bouche.
    — Des tafurs, avança Balian.
    Et Daltelar d’ajouter :
    — Doux Jésus !
    Les tafurs étaient les rescapés des premiers croisés, des paysans
pour la plupart, qui à Constantinople s’étaient joints aux chefs militaires, et
se battaient armés au mieux d’un bâton. Ils se jetaient ensuite sur les
cadavres de leurs victimes pour se repaître de leur chair. Beaucoup étaient
hirsutes et à demi fous. Les chefs des croisés les envoyaient à l’avant-garde,
où ils servaient à faire fuir l’ennemi quand ils ne se faisaient pas tout
bonnement massacrer par lui.
    — Mon cheval et un drapeau blanc, lança Balian en
s’habillant. Je sors !
    On s’empressa d’obéir à ses ordres. On sella sa monture, on
lui remit un drapeau blanc, qui tenait plus du mouchoir sale, et Balian quitta,
seul, Jérusalem par la poterne Sainte-Marie-Madeleine. À sa gauche, les
pénitents, comme s’éveillant d’un long cauchemar, fuyaient devant les cavaliers
mahométans, qui les sabraient sans pitié. L’un d’eux attrapa une prostituée par
les cheveux, la décapita et porta sa tête à ses lèvres, pour y déposer un
baiser. Quelques jeunes qui en avaient encore la force – et la présence
d’esprit – se précipitèrent vers la lourde porte Saint-Étienne, mais on
l’avait refermée. Ils tambourinèrent tant et si bien dessus qu’ils y firent des
creux, encore visibles aujourd’hui. Puis les Sarrasins les écrasèrent avec un
bélier, les figeant en d’affreux bas-reliefs.
    Balian détourna le regard, écœuré, et agita son chiffon
blanc, alors qu’une patrouille de mamelouks s’avançait vers lui.
    Il avait pensé qu’on le mènerait au nord des faubourgs de
Jérusalem, mais la patrouille le conduisit au mont des Oliviers, où Saladin
avait établi son camp.
    Le sultan était d’excellente humeur, ayant reçu de Dieu le
signe qu’il attendait. Sous la forme de son neveu Taqi.
    — Taqi, Taqi, disait-il en caressant les joues de son
neveu. Les océans eux-mêmes n’auraient pas plus d’eau que mes yeux n’en
verseraient si je devais pleurer de joie, tant je suis heureux de te
revoir !
    Taqi, Morgennes et la Vraie Croix étaient arrivés en début
de matinée. La première décision qu’avait prise Taqi, en voyant le campement de
Saladin, avait été d’en faire changer la position.
    — Vous devriez, mon oncle, aller vous installer au
sommet du mont des Oliviers. De là vous dominerez la ville. Pensez en outre au
plaisir que vous ferez à Dieu en reprenant en premier les deux bâtiments les
plus chers à Son cœur : la mosquée al-Aqsa et Qoubbat al-Sakhra, le dôme
du Rocher.
    — Tu as mille fois raison, répondit Saladin. En vérité,
Dieu t’a envoyé pour m’ouvrir les yeux. Je ne veux plus que tu t’éloignes. Tu
es pour moi comme un fils !
    Quand le cheik des Muhalliq, Nâyif ibn Adid, lui avait
rapporté comment l’oasis des Moniales avait été détruite, disparaissant dans un
nuage de sable, engloutissant l’armée des Maraykhât, Saladin avait cru que Taqi
était mort ; et Cassiopée avec lui.
    En les voyant arriver dans l’après-midi, son cœur avait
retrouvé la joie, sa bouche le sourire. Morgennes et Simon, eux, ne pouvaient
en dire autant. Auprès de son oncle, Taqi les oubliait un peu. En outre,
l’accès de la ville leur était interdit. Morgennes avait dû cacher Crucifère
et, quant à la Vraie Croix : « Chaque chose en son temps »,
avait dit Saladin, tout au bonheur de retrouver sa nièce et son neveu. En bon
tacticien, Taqi avait indiqué à son oncle l’emplacement idéal pour les
catapultes : dans les jardins de Gethsémani.
    En l’apprenant, Simon pleura à chaudes larmes et questionna
Morgennes :
    — Pensez-vous que nous avons fait tout cela en
vain ? Quel espoir avons-nous de sauver Jérusalem et de porter à ses
habitants la Vraie Croix ?
    — Que me dis-tu là ? s’étonna Morgennes. Tu sais
fort bien que la Vraie Croix n’est pas celle que tu tiens.
    — Vous m’avez ordonné de n’en rien dire.
    — En effet, mais avec moi, ce n’est pas pareil. Regarde
les forces de Saladin : crois-tu que la ville sera capable de tenir ?
    — Non. Pas sans l’aide de Dieu.
    — Et penses-tu qu’il la lui apportera ?
    — Je ne sais pas, soupira Simon.
    Morgennes le regarda, baissant la tête pour cacher

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