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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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son
sourire. Simon avait enfin appris le doute, la modestie. Tout n’était pas
perdu !
    — Je vais voir ce que je peux faire, annonça Morgennes
en s’éloignant.
    — Où allez-vous ?
    — Chez Saladin.
     
    Morgennes trouva Saladin en compagnie d’Ernoul, de Taqi, de
Balian, du cadi Ibn Abi Asroun – qui frémit en le voyant entrer – et
d’Abu Shama, qui prenait en notes à l’aide d’un calame tout ce que Saladin
disait.
    Balian était venu négocier la reddition de la ville.
    — Sultan, je t’en conjure, épargne-nous, suppliait-il.
Cela te coûtera si peu et te rapportera tellement.
    — Non ! répliqua Saladin. Je me suis promis, par
souci d’équité et afin qu’on ne puisse pas dire que seuls les chrétiens sont
des fous, que je reprendrai la ville de la même façon qu’eux : en tuant
tous ses habitants, en y faisant un tel bain de sang que mes soldats en auront
jusqu’aux genoux.
    En effet, les chroniqueurs chrétiens – tel Raymond
d’Agiles – avaient apporté ce que tous avaient encore en mémoire, la façon
dont les premiers croisés s’étaient emparés de Jérusalem : « On vit
des choses admirables… On voyait dans les rues et sur les places de la ville
des monceaux de têtes, de mains, de pieds. Les hommes et les chevaliers
marchaient de tous côtés à travers les cadavres… Dans le Temple et dans le
Portique on marchait à cheval dans le sang jusqu’aux genoux du cavalier et
jusqu’à la bride du cheval…
    Juste et admirable jugement de Dieu qui voulut que ce lieu
reçût le sang même de ceux dont les blasphèmes l’avaient si longtemps
souillé. »
    Saladin avait promis à Abu Shama qu’il pourrait écrire un
jour la même chose, du point de vue des Mahométans.
    — Si je comprends ta colère, Glaive de l’Islam,
permets-moi cependant, continua Balian, de te rappeler deux choses : la
première est ta grandeur. Elle est sans égale. Ne la laisse pas s’égarer, ne
laisse pas dire de toi ce que même nous, tes ennemis, ne dirons jamais ni ne
laisserons jamais dire. La seconde est la ténacité des habitants de Jérusalem.
Ne crois pas qu’ils soient si différents des Francs, qui la prirent autrefois.
Si tu veux nous faire la guerre, nous ferons comme les Juifs à Massada : nous
tuerons nos femmes et nos enfants, puis nous nous égorgerons les uns les
autres. Mais ne crois pas que nous commencerons par cela. D’abord, nous
abattrons chaque pierre des mosquées de la ville, celle d’al-Aqsa, le dôme du
Rocher, et nous jetterons – sous vos yeux – du haut de nos remparts
tous nos prisonniers : les Mahométans qui résidaient à Jérusalem, et dont
certains sont fort pieux. Épargne-nous, nous les épargnerons.
    Balian avait si bien discouru que Saladin se frotta la barbe
et répondit :
    — Balian II d’Ibelin, tu as parlé et je t’ai
écouté. Je te demande un jour de réflexion. Demain soir, à l’heure du Maghreb,
je te ferai connaître ma décision. Pour le moment, rentre chez toi en paix.
    Balian se leva, salua le sultan et se dirigea vers la sortie
de la tente. C’est alors que Morgennes interpella Saladin :
    — Un instant, Glaive de l’Islam.
    — Oui ?
    — Puisse vous demander une faveur ?
    — Tu oublies que c’est toi qui m’en dois une, rétorqua
Saladin.
    — Je ne l’oublie certes pas, et en temps et en heure je
m’acquitterai de ma dette. Mais j’aimerais entrer dans la ville avec Balian
d’Ibelin, accompagné d’Ernoul, de Simon et de la Vraie Croix.
    — Non, Morgennes, non, répondit Saladin en riant de bon
cœur. Je suis peut-être généreux, mais ma bourse n’est pas grande à ce point.
Il est hors de question qu’un guerrier comme toi entre dans la ville… En
revanche, c’est avec un immense plaisir que je laisserai entrer la Vraie
Croix – afin que tous voient que votre Dieu vous a abandonnés, et qu’il
n’est d’autre Dieu qu’Allah !
    C’est ainsi que le plan de Morgennes réussit à moitié,
Balian repartant pour Jérusalem avec Ernoul et la Vraie Croix.
    — Merci, dit Balian en recevant la Vraie Croix des
mains de Morgennes. Elle vaut mieux que toutes les armées des rois de France et
d’Angleterre. Et si Dieu nous aime encore, peut-être nous fera-t-Il la grâce de
nous accorder quelques miracles…
    — Je l’espère, dit Morgennes en étreignant les mains de
Balian. Sincèrement.
    Il les regarda partir vers la poterne
Sainte-Marie-Madeleine, Ernoul portant la croix

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