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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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son
céphalotaphe, et poursuivit :
    — … dans l’incapacité de prendre à nouveau son père
dans ses bras. Quant à l’évêque de Lydda – Bernard, son autre fils –,
nous ne l’avons pas retrouvé. Est-il mort ? Est-il vivant ? Il a
probablement fui… C’est donc à vous, Gérard de Ridefort, grand ami d’Héraclius,
que je pose la question : voulez-vous être celui qui apprendra au
patriarche de Jérusalem, et donc à la chrétienté, que la Vraie Croix est en
notre possession ?
    — Je le leur dirai. J’ajouterai aussi que je ferai tout
ce qui est en mon pouvoir pour la récupérer.
    — C’est-à-dire pas grand-chose, je le crains, conclut
Saladin en se tournant vers le troisième et dernier pigeon. Celui-ci est pour
Étiennette de Milly, future veuve de Renaud de Châtillon, que voici justement…
    Deux solides mamelouks gravissaient à cheval un sentier
étroit. Ils traînaient derrière eux un homme enchaîné : Renaud de
Châtillon. Le Loup de Kérak, réduit à l’état de magma sanglant, chancelait sous
le poids de ses chaînes. Des lambeaux de chair s’étaient mêlés aux maillons, si
bien qu’il paraissait impossible de le libérer sans lui arracher la moitié du
corps. Mais il n’avait rien perdu de sa sauvagerie. Il tenait debout Dieu sait
comment, et au milieu des crachats, des injures et des coups, il avançait
toujours. Dans ses yeux luisait une lueur démente, et ses lèvres se soulevaient
en un rictus hideux, découvrant ses canines, rougies par le sang. Qu’il fût
encore en vie était en soi un miracle. Il était mû par une colère et une rage
si vives qu’à intervalles irréguliers son organisme était saisi de tremblements.
Il ralentissait alors l’allure, bandait ses muscles comme pour briser ses fers,
et arrêtait la course des chevaux qui le tiraient. Devant ses efforts, la
foule, apeurée, reculait. Les mamelouks talonnaient leur monture, et Châtillon
repartait, tel un chêne brutalement déraciné.
    Arrivés au sommet de la colline de Hattin, les mamelouks
entreprirent de hisser Châtillon au premier niveau de l’échafaudage – qui
en comptait trois. Les bourreaux les aidaient, agrippant le corps par les
aisselles, passant des cordes sous ses bras, tandis que de plus bas on le
poussait par les jambes en criant en cadence.
    Une plainte funèbre, un hurlement à glacer le sang, jaillit
de la gueule du Loup de Kérak. Un long cri de douleur et de rage. Les Sarrasins
avaient hâte d’en finir et de clouer définitivement ce triste sire sur sa
croix. Comme on le montait au deuxième niveau de l’échafaudage, Saladin
s’adressa à la foule :
    — Je crains que Brins Arnat ne soit pas en état
d’écrire à sa veuve. Aussi vais-je m’en charger. Elle connaîtra ainsi son
épitaphe.
    Il brandit une plaque de bois, sur laquelle il avait fait
graver – en arabe et en lingua franca – l’inscription :
« Renaud de Châtillon, prince des Francs de Terre sainte. »
    — Usurpant le pouvoir en toute occasion, narguant Dieu
autant que les hommes, quel que soit leur rang, n’écoutant que lui-même –
c’est ce qu’était Brins Arnat. Il est l’image que nous garderons à tout jamais
des Franjis venus sur cette terre : celle d’abominables pilleurs
sacrilèges, violeurs et menteurs, sans foi ni loi.
    Quand son aide eut fini de recopier le message sous sa
dictée, Saladin lâcha le pigeon. En quelques battements d’ailes, il rejoignit
ses congénères. Le cheikh Matlaq ibn Fayhân les couvait du regard, leur
envoyant de muets encouragements. Les oiseaux tournoyèrent un instant au-dessus
de Hattin, puis s’égaillèrent dans la nuit, certains portés par le vent,
d’autres luttant contre lui. Enfin, ils disparurent. Sauf un dernier oiseau,
beaucoup plus grand que tous les autres, et qui poussa un cri strident.
Morgennes le regarda : c’était un magnifique faucon pèlerin, l’oiseau
préféré des rois. Son plumage gris foncé mâtiné de bleu signalait une
femelle – chasseresse redoutable, réputée impossible à apprivoiser, et
dont les Zakrad avaient fait leur emblème.
    Peu après, les bourreaux sortirent les bras de Châtillon de
son paquet de chaînes et les lui écartèrent pour clouer ses mains. Les
mamelouks étaient de plus en plus nerveux. Tughril les avait disposés en cercle
autour de Saladin et de la stèle funéraire. Ils formaient un cordon si serré de
cimeterres et de lances, que quiconque tenterait de le franchir

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