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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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aménagé tout un réseau de galeries et de salles.
    Il repartit vers ses appartements, dont les fenêtres
taillées dans la roche donnaient sur le désert de Chamiya, d’où avait surgi, en
1176, l’armée de Saladin venue l’assiéger une première fois, en vain. Des
rideaux de laine blanche masquaient ces ouvertures et permettaient à la pièce
de garder une température, sinon agréable, du moins convenant à un homme
habitué aux rigueurs du climat.
    D’humeur maussade, Sinan se servit un verre d’un vin épais,
brillant et rouge comme du sang de nouveau-né, et appela d’une voix sèche deux
de ses serviteurs. Il voulait une femme. Qu’ils aillent donc la lui chercher
dans son harem. Une superbe sang-mêlé à la peau couverte de tatouages venait
d’y être conduite. Il avait envie de la voir et de coucher avec elle. On la
disait rebelle à toute autorité, farouche, et, surtout, d’une beauté de pierre
précieuse…
     
    Tout pouvoir engendre son contre-pouvoir, tout remède son
mal, tout mal son remède. Saladin essayait, comme les Assassins, de ne pas se
faire remarquer. S’il se signalait, ce n’était pas – contrairement à ses
prédécesseurs ou contemporains de même rang – par des débauches de palais,
de harems et d’orgie, mais, à l’inverse, par une extrême rigueur, une grande
piété et un mépris des richesses. Il était si pieux, si dévot, si fervent
croyant, il se sentait tellement investi de sa mission, que le contraste
heurtait ses égaux et supérieurs, tout en ravissant les foules.
    Saladin n’en avait cure, même si faire plaisir au peuple et
choquer une caste dirigeante qu’il qualifiait de « décadente »
n’était pas pour lui déplaire. Il pensait avoir le droit pour lui, sentait la
main d’Allah l’aider dans son jihad, et quand – dans le doute – il
demandait à Mahomet ou à Gabriel de bien vouloir l’éclairer, un rêve dans la
nuit le renseignait sur la marche à suivre, les choix à arrêter.
    Saladin se trompait rarement, ou, s’il se trompait, c’était
pour un plus grand bien que celui qu’il visait. Ainsi, quand il apprit que
Morgennes s’était enfui, il eut un profond soupir accompagné d’un geste de la
main qui signifiait : « Que voulez-vous que j’y fasse ? Si c’est
ainsi, Dieu l’a voulu. »
     
    Sur la place du marché, le docteur al-Waqqar haussa un
sourcil et pesta contre les dégâts provoqués par les bombes incendiaires
lancées dans leur fuite par les Assassins, ces hommes aux manteaux gris.
    Tous en étaient désormais convaincus : ce massacre,
s’il avait été aggravé par les soldats de l’atabeg, avait été causé par les
Assassins. Al-Waqqar essuya de sa manche la sueur qui perlait à son front et se
remit à l’ouvrage. Il se pencha sur un jeune homme dont les jambes avaient été
atteintes par des projections de poix enflammée. Le liquide s’était agrégé à
ses membres inférieurs, brûlé des pieds jusqu’au bassin. Le malheureux
respirait encore. Entre deux sanglots, il ouvrit la bouche pour avaler de l’air
mais ne parvint ni à parler ni à pousser le moindre cri. Il était comme éteint.
Al-Waqqar lui passa un linge humide sur le visage. Ses sourcils aussi avaient
brûlé. Sa chair avait fondu sur ses os, lui donnant un aspect de squelette.
Al-Waqqar lui souhaita une mort rapide.
    Le docteur était perdu dans ses pensées, lorsqu’un bruit se
fit entendre du côté de la ville basse : l’éminence grise de Saladin, le
cadi Ibn Abi Asroun, montait avec son cortège d’huissiers, de scribes,
d’officiers, d’oulémas… pour prendre la direction de l’enquête. Saladin n’avait
pas attendu de recevoir le rapport de ce gros atabeg de Shams al-Dawla Turansha
pour prendre l’affaire en main : Ibn Abi Asroun réglerait ça mieux que
personne.
    Tous les témoignages concordaient. On avait vu une
demi-douzaine d’hommes en gris, soupçonnés d’être des Assassins, ainsi que deux
hommes en manteau blanc, qu’on savait être des Templiers (ou des Hospitaliers
déguisés), venus pour acheter Morgennes. La présence de déserteurs de l’armée
de Saladin fut également rapportée. D’après les premiers éléments de l’enquête,
il s’agissait de bandits de la tribu des Maraykhât.
    Sous la conduite du cadi Ibn Abi Asroun, des oulémas
s’empressaient auprès des blessés les plus atteints afin de les interroger
avant qu’ils ne rendent l’âme. Des scribes prenaient leurs cris en

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