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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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concentration. C’est que le moment
était autrement plus grave. À Hattin, il en était allé de sa vie. Ici, il en
allait de son honneur et de son nom. Bien que n’ayant pas très envie de
s’étendre sur son acte, il voulait néanmoins être jugé en fonction de faits
établis, et profiter de l’occasion pour exposer sa vérité. Mais sa vérité, justement, n’intéresserait pas le conseil, qui ne jugerait que la
vérité des faits, et non la sienne – plus complexe, et dont il n’appartenait
qu’à Dieu de la juger.
    Des pas résonnèrent dans le couloir, et quatre personnes
entrèrent – dont le frère infirmier et le frère chapelain, reconnaissable
à sa robe, à sa grande chape noire et à ses mains gantées de cuir. Le cœur de
Morgennes fit un bond en reconnaissant l’un de ses vieux amis : Raymond de
Tripoli !
    — Sire, dit Morgennes en rompant le silence qui lui
était imposé, je suis heureux de vous revoir.
    — Et moi, j’en suis ravi, répondit Raymond.
    Tripoli, qui avait donné de si bons conseils au cours de la
bataille de Hattin – hormis celui d’attendre plutôt que d’attaquer
immédiatement une fois au sommet de la colline –, avait considérablement
vieilli.
    Il était déjà âgé, mais cette épreuve avait fini de blanchir
ses cheveux et sa barbe, creusé de nouvelles rides sur son visage, accentué les
poches de ses yeux. En outre, il avait considérablement maigri, et son bliaut
flottait autour de lui. Il s’approcha de Morgennes et lui prit les mains,
pendant que le frère infirmier l’auscultait, examinait son œil, lui demandait
d’ouvrir la bouche et de tirer la langue.
    — Souffres-tu ? demanda le frère infirmier.
    — Non, répondit Morgennes.
    Le frère infirmier eut l’air déçu.
    — Souffrir, pourtant, c’est se rapprocher de Dieu,
dit-il.
    — Je suis désolé, répondit Morgennes, mais je ne me
sens ni souffrant ni loin de Dieu.
    Le frère infirmier s’apprêtait à examiner les mains de
Morgennes – que tenait toujours Tripoli – quand Beaujeu lui demanda
de venir s’asseoir à côté d’eux, afin d’entendre et de juger le beau doux frère
chevalier Morgennes.
    — Pour commencer, dit le frère infirmier en prenant
place à la table du conseille ne vois pas pourquoi on continue de l’appeler
« beau doux frère ». S’il a renié Jésus, ainsi que je l’ai compris,
il ne mérite plus cet égard…
    Ces paroles jetèrent un froid.
    Certains frères lui donnèrent raison, d’autres au contraire
rappelèrent que, jusqu’à décision du conseil, Morgennes faisait toujours partie
de l’Hôpital.
    — Sire de Tripoli, venez vous asseoir auprès de nous,
dit le frère commandeur. Vous aurez bien le temps, tout à l’heure, de retrouver
Morgennes et de lui parler – fût-ce à travers des barreaux.
    — Ne vous inquiétez pas, murmura Tripoli à Morgennes.
Je veille sur vous.
    Il lui serra les mains, puis alla prendre place de l’autre
côté de la table, en face de lui. On verrouilla les portes de la salle
principale, afin d’être tranquilles.
    — Beaux seigneurs frères, dit Beaujeu, levez-vous et
priez Notre Seigneur que Sa sainte grâce vienne parmi nous.
    Quatorze frères et Raymond de Tripoli considéraient
gravement Morgennes. D’ordinaire, seuls les frères chevaliers pouvaient
assister aux séances du chapitre, mais étant donné la gravité des
circonstances, Beaujeu avait invité Tripoli à rester.
    Outre le frère commandeur du krak, le frère chapelain et le
frère infirmier, les frères les plus importants de la place étaient là :
le frère sénéchal, qui est le lieutenant du commandeur ; les frères
maréchal et sous-maréchal, chargés, pour l’un, des armes et des armures, pour
l’autre des chevaux ; les frères turcopoliers et gonfanoniers, qui
encadrent les auxiliaires engagés par l’ordre ; le frère drapier, qui
s’occupe du trousseau des frères, et cinq frères chevaliers – choisis
parmi les plus nobles.
    Beaujeu prit la parole :
    — Beaux doux seigneurs frères, dit-il, je vous conjure
de par Dieu, de par ma Dame sainte Marie, de par tous les saints et les saintes
de Dieu et de par tous les frères, sous peine de perdre la grâce de Dieu si
vous ne faites en ce jugement ce que vous devez faire, d’entendre et de juger
le beau doux frère Morgennes.
    Par cette formule, la séance était ouverte, le tribunal de
pénitence prêt à écouter Morgennes. Beaujeu se tourna alors

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