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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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qu'il produisait de son côté que lorsqu'une servante déposa devant elle une part de taillis aux fruits secs 5 .
    – Je parle tant que je vous dois saouler de mots. N'est-ce pas mine grave que je vous vois ?
    Il nia d'un petit mouvement de tête et lui sourit :
    – Non pas. Bah… de sempiternelles histoires de fermiers que je dois régler au contentement des uns et des autres, ce qui n'est pas affaire aisée. Leur ennui n'a d'égale que leur permanence.
    – Quelles histoires ?
    – L'un empiète sur la terre de l'autre, c'est du moins ce que l'autre prétend. Rien de nouveau, vous le voyez.
    – Quant à les satisfaire tous deux… c'est un jongleur qu'il leur faut, pas un seigneur, plaisanta Agnès.
    Elle toucha à peine au pâté de poires crues qui constituait la desserte et remarqua que l'appétit semblait également avoir fui son époux. Ils boudèrent les gaufres au miel de l'issue 6 et se contentèrent du boute-hors, un mélange de graines de cardamome et d'anis.
    Artus enlaça la taille de son aimée pour l'escorter jusqu'à ses appartements. Puis il prit congé au prétexte de régler son affaire de fermiers mécontents.

    – Le pouls, l'œil et le souffle sont plus que satisfaisants, madame, déclara messire Joseph qui dévisageait Agnès depuis son examen.
    – Voilà qui me rassure tout à fait. En vérité, je vous l'ai dit, rien de grave. Une inexplicable fatigue et quelques étourdissements sans conséquence.
    – Et votre peu d'appétit.
    – C'est cela.
    – Des nausées, peut-être ?
    – Des écœurements, eux aussi passagers, admit-elle.
    – Puisque vous n'êtes pas avec enfant, et dotée par ailleurs d'une belle constitution, il faut y voir, je crois, le résultat des sinistres événements que vous supportâtes vaillamment, auxquels s'ajoute sans doute un temporaire embarras de digestion. On assiste très souvent à ces sortes de rebonds tardifs. Des êtres d'exception supportent sans fléchir des situations de calamité, puis, à la faveur d'une accalmie ou de la sérénité retrouvée, manifestent les symptômes d'une maladie de mélancolie 7 sans même en avoir conscience. J'ai confiance en votre admirable nature : vous vous remettrez bien vite. Nous allons vous y aider par quelques préparations de mon secret.
    – Grand merci, messire médecin. Mon inquiétude s'est évanouie grâce à vous et je me sens déjà plus ingambe, mentit Agnès.
    Joseph de Bologne ne fut pas dupe.
    – Avec votre permission, madame, j'aimerais vous revoir à deux jours afin de constater les effets des remèdes que je vous ferai porter au tantôt.
    – Est-ce bien nécessaire ?
    – Il en est des vieux médecins comme des poules pondeuses, prétend votre époux : elles s'affairent, s'énervent, tournent en tous sens jusqu'à avoir leurs poussins réunis et en belle forme à leur côté.
    – Eh bien, j'interpréterai avec application le rôle de votre poussin, messire Joseph.
    Il regarda disparaître la jolie silhouette élancée. Un doute lui était venu durant son examen. Un doute épouvantable.
    1 « Mur étroit ».
    2 Consultations à l'usage des inquisiteurs , rédigé par Gui Foulques, conseiller de Saint Louis, puis pape sous le nom de Clément IV.
    3 Marc Aurèle, 121-180.
    4 Tranche de pain qui servait d'assiette et que pouvaient partager plusieurs convives.
    5 Le taillis est un flan épais composé de mie de pain émiettée dans de la crème, à laquelle on ajoutait fruits secs et safran.
    6 Cinquième service, dessert servi avant le boute-hors.
    7 Dépression nerveuse.

Rome, palais du Vatican, septembre 1306
    Aude de Neyrat dégusta une gorgée de malvoisie 1 et croqua une bouchée de croûte dorée 2 , une des gourmandises préférées d'Honorius Benedetti. Elle s'étonna du plaisir qu'elle éprouvait de le revoir.
    – Comment se peut-il, ma chère amie, que vous soyez le seul être en présence duquel je m'apaise ? avoua le camerlingue en se tamponnant le front d'un fin mouchoir.
    – Peut-être les bonnes nouvelles que je vous apporte sont-elles un baume puissant ?
    – À l'évidence. Toutefois l'explication est trop… passagère pour être suffisante. S'y ajoute une confiance si totale qu'elle m'étonne.
    – Puisqu'elle est réciproque, pourquoi serait-elle étonnante ?
    – Parce que nous sommes des êtres de méfiance, donc de solitude. (L'aigreur rattrapa le prélat qui confessa :) Quelle cuisante déception que ce Clair

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