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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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monstre et sauver la colombe ? Il s'agit là d'un calcul si inepte que je n'y reconnais guère le Saint-Siège.
    Le savant se rembrunit et laissa échapper un soupir de consternation. L'inquiétude submergea à nouveau Ronan qui murmura :
    – Que retenez-vous, messire médecin ? De grâce, la vérité.
    – C'est que, voyez-vous… il convient pour une fois de ne voir là-dedans que ce qui se montre. C'est bien à monsieur d'Authon que l'on s'en prend.
    – Je ne le peux croire, argumenta Ronan. Mon maître, en homme avisé, ne s'est jamais mêlé de la politique du royaume et encore moins de celle de Rome.
    – Qu'en savez-vous ? Qu'en sait-il ?
    – Je ne comprends rien à votre discours, messire médecin.
    – Il me faut réfléchir en solitude, Ronan, consulter divers ouvrages dont le Consultationes ad inquisitores haereticae pravitatis 2 , qui devrait m'éclairer sur des points de procédure. Ayez confiance. Dieu ne nous abandonnera pas, c'est une certitude. Quant à ma tête, dans Son infinie générosité, Il l'a créée fort agile.

    Messire Joseph demeura assis longtemps après le départ du vieux serviteur, assemblant, désassemblant les bribes de cette alarmante énigme. Perplexe, il rejoignit enfin sa grande salle de travail et tira un mince volume de peau violine, patiné par d'innombrables lectures. Il se plongea, avec une admiration toujours renouvelée, dans Pensées pour moi-même de l'empereur Marcus Aurelius Antoninus 3 . Elles ne l'avaient jamais déçu, répondant chaque fois à ses questions. Il feuilleta l'ouvrage qu'il connaissait par cœur et lu :
    Prends l'habitude, à chaque action d'autrui, de te faire cette question : « Quel est le but véritable que poursuit cette personne ? » 
    Et :
    Les choses qui succèdent à d'autres ont toujours, avec celles qui les ont précédées, un rapport de famille.
    Le but véritable. Le but était le comte Artus, pas quelque torve machination dont il n'aurait été qu'un pion interchangeable. Joseph connaissait assez l'Inquisition et ses pratiques pour redouter le pire de la confrontation prochaine de monseigneur d'Authon avec ses juges. L'honneur s'accompagne fort souvent d'un manque de subtilité. La seule stratégie efficace contre un seigneur inquisiteur consistait à ruser et à mentir habilement, même lorsque l'on était aussi pur que l'agneau naissant. Artus d'Authon ne s'y abaisserait jamais, certain que sa bonne foi devait prévaloir.
    Quant au rapport de famille, nul n'était besoin d'être grand clerc pour le deviner : Agnès, comtesse d'Authon. Que cherchait la papauté, ou l'un de ses tentacules ? Écarter, voire abattre Artus d'Authon afin d'affaiblir son épouse ? C'était la solution qui s'imposait. Mais pourquoi s'acharner sur cette créature de vertu et d'intelligence que Joseph le Sage, dont la circonspection ne s'assoupissait que rarement, n'avait jamais prise en défaut ?
    Un élément crucial lui manquait pour avancer en compréhension dans cette redoutable charade. Il décida d'en avoir le cœur net et récupéra le haut bâton de marche à bout ferré qui patientait dans un coin de la salle d'études. Il jeta sur son épaule sa large besace à herbes.

    Guillette, une brosse à cheveux en argent ciselé à la main, suspendit son geste et se rapprocha de l'une des fenêtres des appartements de sa maîtresse. Elle déclara d'un ton joyeux :
    – Ah, je crois bien que monsieur votre médecin part en promenade.
    – Il apprécie ces flâneries dans les bois, répondit Agnès d'Authon d'une voix un peu hésitante. Il en ramène une foison d'herbes médicinales dont la plupart me sont inconnues.
    Le lent brossage reprit.
    – Quelle magnifique chevelure, madame. Ne dirait-on pas un miel fin ? Et si soyeuse avec ça. Une caresse au toucher. Ne vous seriez-vous pas assez délassée cette nuit, madame ? Vous semblez fatiguée.
    – Si fait, j'ai même dormi comme une brute et ne me suis éveillée qu'après prime*. Ce n'est rien… les derniers mois ont été épuisants.
    – Oh certes… C'est que monsieur Philippe est déjà un fier gaillard et qu'il est bien vivace, l'angelot ! Selon Ronan, c'est tout le portrait de son père. Et puis, ce Clément… je le dis toujours : je ne connais pas beaucoup de maîtres qui se mettraient martel en tête afin de retrouver un petit valet de ferme !
    Agnès aimait bien cette fille que Barbe, qui menait le petit peuple des serviteurs du

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