Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
Gresson. Je lutte contre la rancœur et la détestation qu'il m'inspire. Au fond, je ne m'en veux pas tant de sa trahison que de ma naïveté à son égard.
    Aude de Neyrat sembla réfléchir, le regard perdu vers le grand dorsal tendu sur le mur situé derrière le fastueux bureau du prélat. Une Vierge timide et diaphane, environnée d'anges au sourire grave, inclinait la tête, le regard baissé. Aude n'ignorait pas que la tapisserie dissimulait un passage bas ménagé entre les épais murs. La chambre de réunion du souverain pontife se trouvait à l'autre extrémité.
    Elle commença d'une voix lente :
    – N'est-ce pas une ironie cinglante que le sort réserve à des êtres tels que nous, Honorius ?
    – Que voulez-vous dire ?
    – À force de manigances et de tromperies, nous sommes dans l'incapacité d'éprouver d'autre sentiment que la défiance pour tous ceux qui nous approchent. Lorsque, par exception, nous accordons notre estime ou notre tendresse, nous attendons comme un dû qu'elle soit appréciée à la manière d'un rare privilège. Pourquoi le serait-elle plus qu'une autre ? Au fond, la fourberie nous rend parfois candide.
    – C'est habilement résumé, admit le camerlingue que l'intelligence du ravissant nuage blond installé en face de lui surprenait toujours. En effet, quelle justification à mon amertume puis-je m'octroyer ? Gresson a bafoué l'amitié que je me sentais pour lui, mais j'ai abusé de tant d'amitiés offertes au cours de ma longue existence…
    – Notre conversation ne devient-elle pas sinistre, cher Honorius ? Allons… je vous porte d'excellentes nouvelles, je vous vois en belle santé. La chance est de notre côté. Réjouissons-nous, donc.
    Le visage mince du prélat se détendit.
    – Chère Aude, la providence fut bien généreuse lorsqu'elle permit que nous nous rencontrions. Tout de vous m'enchante, même au creux des heures les plus sombres.
    – Elle le fut indiscutablement vis-à-vis de moi, en me sauvant, grâce à vous, d'un bûcher certain ou de la corde du bourreau, déclara-t-elle d'un ton amusé.
    En dépit de l'aveu de l'archevêque et de la feinte alacrité qu'elle affichait dans le seul but de dérider son vieil ami, madame de Neyrat percevait un trouble chez lui. Un trouble qu'elle connaissait bien. Un aspect d'elle demeurait un mystère pour le prélat, lui que le remords rongeait depuis des lustres. Honorius s'interrogeait sur son besoin, son envie de contrition. N'éprouvait-elle véritablement aucun regret d'avoir souillé son âme ? Elle aurait pu l'éclairer, mais se taire était une autre preuve de son amitié. Bien sûr que si. Le désir de résipiscence l'assaillait parfois. Elle s'appliquait à l'écarter bien vite. Se morfondre sur ses viles actions n'aurait servi de rien. Elle avait refusé le marché de dupes que lui proposait le destin. Se repentir revenait à admettre qu'elle avait eu tort de lutter contre une vie imposée, contre les blessures, les humiliations qu'elle lui réservait. C'était excuser ce répugnant vieillard qui s'écrasait sur elle lorsque l'envie l'en prenait. Quant à Honorius, jamais elle ne lui avouerait que parfois, au détour d'une nuit que fuyait le sommeil, le dégoût d'elle-même lui venait. Il fallait que le camerlingue continue à croire que le remords pouvait épargner certaines créatures, ainsi le sien lui paraîtrait-il, peut-être, moins légitime. Il lui avait jadis sauvé la vie. Elle s'appliquait à adoucir ses rêves.
    – Puisqu'il est dit que vous ensoleillerez mes jours les plus moroses, contez-moi de nouveau nos progrès.
    – Cette… femme que l'on vous avait recommandée, celle qui gîte non loin de Ceton, a fait son office, si j'en crois les renseignements que l'on m'a portés d'Authon-du-Perche. Madame de Souarcy pâlit et se creuse. Des langueurs la poussent à s'aliter à l'après-midi. Je confesse que je n'accordais que peu de foi aux pouvoirs de cette malfaise. Aussi m'étais-je… associée mademoiselle Mathilde, la fille de madame Agnès. Je me trompais, voilà tout. Il va me falloir me débarrasser de l'ennuyante donzelle. Une jolie dot et quelques scintillantes babioles devraient m'en décharger, sans compter la promesse que je lui ai faite de l'aider à se venger de son oncle. L'étiolement de sa mère et son proche trépas contribueront à apaiser tout à fait le vilain fiel accumulé par la jolie peste. Je ne serai pas fâchée de ne plus poser mon regard

Weitere Kostenlose Bücher