Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
conjure.
    – Pourquoi ne vous hais-je point ? s'étonna Agnès.
    – Peut-être parce qu'une part de vous sait que j'ai raison. Venez, madame.
    Agnès lui emboîta le pas avec une docilité qui la surprit. Leone avait vu juste. Une part d'elle se serait précipitée au secours de son amour, une autre calculait, évaluait. Elle devait rester céans afin de défendre Clémence et le petit Philippe. Si elle se présentait en la maison de l'Inquisition, ils ne l'en laisseraient pas ressortir, sans pour autant libérer Artus. Clémence n'aurait alors plus personne vers qui se précipiter si le danger se rapprochait d'elle. Or il était tout proche. Les confidences de Leone au cours du souper n'avaient fait que confirmer l'intuition d'Agnès. L'encore fillette n'avait pas tout à fait douze ans, bien que majeure 7 dans quelques semaines.
    Leone poussa le battant de la porte et s'effaça afin de lui livrer passage.
    – Madame, il me désespérerait de devoir verrouiller cette porte. Ai-je votre parole devant Dieu que vous ne tenterez pas de quitter le château ?
    – Vous l'avez, chevalier. Que je sois maudite si je m'en dédis.
    – Bien. Que la nuit vous soit bonne.
    Elle ne le fut pas. Agnès erra jusqu'à l'aube dans ses sinistres pensées. Ils avaient tenté de la tuer à trois reprises afin de s'assurer qu'elle ne concevrait plus. Sans doute récidiveraient-ils. Ils ne traquaient Clémence que dans l'espoir de récupérer les manuscrits. S'ils venaient à apprendre qu'elle était une fille, sa fille, ils l'abattraient comme une bête. Une question la hantait depuis des mois. Comment une fillette parvenait-elle à survivre seule, sans appui, sans argent, quand les sbires du camerlingue la traquaient sans relâche ?
    1 Beauce, Eure-et-Loir. S'y trouvaient à l'époque de grands pressoirs.
    2 Très utilisée à l'époque pour les viandes. Son goût évoque celui de la menthe.
    3 Vinaigrette.
    4 Il s'agissait de voyous, parfois des soldats sans solde, qui torturaient par le feu dans l'espoir d'arracher à leurs victimes la cachette où elles dissimulaient leurs valeurs.
    5 Transpercer gravement.
    6 L'empoisonnement était considéré comme le crime de sang le plus impardonnable en raison de sa sournoiserie et sans doute parce qu'il était presque impossible de s'en protéger.
    7 La majorité des filles était fixée à douze ans, celle des garçons à quatorze.

Maison de l'Inquisition, Alençon, Perche, octobre 1306
    Ce tôt matin-là, il régnait un froid de gueux dans le bureau d'Agnan. Le jeune clerc avait fourré les mains dans les manches de sa robe de vilaine bure dans le très vain espoir de les réchauffer. Attentif, il écoutait le frère Vieuvie qui se tenait assis en face de lui. Son visage poupin et jovial inspirait la confiance. Son grand regard myope semblait se poser sur toutes choses avec bienveillance. Le dominicain Henri Vieuvie était venu requérir l'aide de la maison de l'Inquisition, ainsi que l'y autorisait le billet de mission que lui avait remis le camerlingue Honorius Benedetti. Le moine s'empêtrait depuis un quart d'heure dans des explications si évasives qu'Agnan s'appliquait à le suivre entre les mots. De toute évidence, frère Vieuvie n'avait nulle envie de révéler la nature exacte de son emploi, tout en essayant de glaner des informations.
    – Mon frère en Jésus-Christ, si je vous entends bien, vous recherchez un luthier, sans pouvoir le rechercher vraiment, résuma Agnan.
    L'autre poussa un soupir dont Agnan ne sut s'il était de soulagement ou d'agacement.
    – En quelque sorte, hésita l'autre. Certes, je suis aidé de trois laïcs dans ma tâche… la robe et la tonsure étant trop révélatrices… toutefois, comment dire… nous devons faire preuve de la plus extrême discrétion.
    – S'il s'agit d'un hérétique, pour quelle raison ? lança Agnan, que l'embarras palpable de l'autre intriguait mais qui avançait à pas comptés.
    Frère Vieuvie éluda avec maladresse :
    – Votre connaissance de la ville, où vous naquîtes m'a-t-on confié, et de sa population me rend votre collaboration précieuse. Nous cherchons donc un luthier qui pourrait avoir votre âge, quelques ans de plus à peine, et que l'on nous a décrit comme malingre et… (Il hésita, détournant son regard du secrétaire, puis acheva :) fort laid, caractéristiques qui devraient vous orienter.
    Agnan réfléchissait à toute vitesse. Pourquoi Henri Vieuvie et ces laïcs ne

Weitere Kostenlose Bücher