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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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renversa la tête vers l'arrière et rit sans gaîté :
    – La peur, madame ? Je ne connais qu'elle. Il s'agit de ma compagne la plus fidèle. Elle colle à mes talons depuis une éternité, me semble-t-il. Je sais toutes ses ruses pour réduire un homme d'honneur et de foi à la plus infamante couardise. Toutefois, voyez-vous, la peur possède une faiblesse. Une fois qu'on l'a découverte, elle s'efface.
    – Quelle faiblesse ?
    – Le don. Le don de soi. Accepter l'idée de mourir, c'est étouffer la peur. Elle se rétracte alors, penaude. Oh, certes, elle revient à la moindre faille de vos défenses. Il vous suffit alors de la narguer, de lui faire savoir que vous êtes prêt au sacrifice. Dès qu'elle perçoit votre sincérité, elle bat en retraite.
    – Quelle jolie recette. Poursuivez votre histoire pour mon plaisir, monsieur.
    – Épée au clair, j'inspectai chaque bâtiment, chaque pièce, chaque dépendance. Tout était misérable, pourtant de vilains coquins avaient tout renversé, espérant découvrir quelques sous, quelques bijoux. Sans doute avaient-ils torturé les habitants et, de guerre lasse, les avaient-ils achevés et brûlés tels des carcasses de bêtes. Ces immondes chauffeurs 4 se rencontrent dans tous les pays. Il n'y avait là plus rien pour moi. J'allais remonter dans mon fardier lorsqu'un hurlement de chien attira mon attention vers la droite. Je me dirigeai dans sa direction jusqu'à tomber sur une sorte de grande niche. Une gueule de fureur, de sang et de feu en interdisait l'entrée. Babines retroussées, crocs bleutés. Un grognement féroce me prévint. Les chiens possèdent une dignité que nous pourrions leur envier. Au lieu de cela, nous l'utilisons afin de les martyriser. Ils n'attaquent jamais sans mise en garde. Derrière le grondement menaçant, des pleurs de petit enfant. Je m'assis à côté de la niche, vidant mon esprit de toute hâte, de toute inquiétude et parlai au fauve. Rien n'y fit. Il protégeait l'enfant. Ne me restait qu'une alternative : abattre le chien ou risquer sa rage. Il aurait été facile de le pourfendre d'un coup d'épée. Il ne savait pas les ravages que peut causer une lame au plus valeureux des défenseurs. Les chiens ne se méfient jamais assez des humains. Je plongeai le bras par l'ouverture de la niche afin d'attraper l'animal à la gorge. Je comptais l'étrangler un peu pour le maîtriser. Il ne fit pas de quartier. Je porte au bras gauche les marques de ses morsures. Un beau souvenir, un valeureux ennemi. Il s'agit des seules blessures absolument désintéressées que l'on m'infligea…
    Leone releva la manche de son chainse. Elle vit. De longs bourrelets blancs, les cicatrices qui rayaient son avant-bras.
    – … Je parvins à tirer l'animal en tordant la peau de son cou à le suffoquer. Il s'agissait d'une chienne de belle taille, une bâtarde de ferme, une de ces bouvières qui ne reculent pas devant deux ou trois loups. Je l'assommai d'un coup de poing contre la tempe. Je rampai à l'intérieur. Une toute petite fille, de quatre ou cinq ans, pleurait en silence, une main plaquée sur la bouche afin de ne pas signaler sa présence. Sans doute sa mère l'avait-elle jetée dans la niche, la confiant à la chienne, dès qu'elle avait compris qu'elle allait mourir.
    Les larmes montèrent aux yeux d'Agnès alors qu'elle était parvenue à résister à toutes les calamiteuses révélations qu'elle venait d'entendre au sujet d'Artus et de Clémence.
    – Que sont-elles devenues ?
    – L'enfante est une jeune fille qui sait lire et compter. La chienne a gardé durant des années nos troupeaux, avant de s'éteindre.
    – C'est donc une histoire de valeur et d'honneur canins que vous me révélez.
    – En effet. Les chiens, à l'instar des autres animaux, sont créatures de Dieu et partagent certaines de nos caractéristiques. En revanche, ils sont indemnes de nombre de nos vices.
    – Est-ce à dire que vous ne vous souvenez d'aucune belle histoire « de valeur et d'honneur » d'une créature humaine ?
    – Si fait, mais il me faudrait chercher davantage.
    Il découpa son tranchoir et le dégusta jusqu'à la dernière bouchée. Ce beau geste d'humble qui connaît la morsure de la vraie faim acheva d'attrister Agnès.
    – Guillette sera pendue haut et court dès l'aube. Le grand bailli respectera sa promesse, son agonie sera brève. Elle… vous supplie de lui pardonner.
    Une moue d'incertitude crispa les

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