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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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paix.
    Leone bagarra contre la haine qu'il sentait monter en lui. Éleusie de Beaufort ne l'eût pas toléré.

    Il dut s'expliquer longuement, le front contre le judas de l'huis, convaincre une portière laïque obtuse de la pureté de ses intentions et de son appartenance à l'ordre de l'Hôpital.
    – Et où'c'te donc qu'il est vot'surcot à la croix à huit pointes 3  ? demanda l'autre méfiante.
    – Je voyage incognito, désigné par mon ordre. Pourrais-je, je vous prie, m'entretenir quelques instants avec votre nouvelle abbesse ? répéta le chevalier pour la vingtième fois.
    La portière baissa le regard et le détailla par le grillage.
    – Sauf vot'langage et vos bottes de voyage, m'avez plutôt l'air d'un gueux !
    Jugulant son exaspération, Francesco de Leone insista d'une voix courtoise :
    – Pourriez-vous faire quérir votre sœur apothicaire, Annelette Beaupré. Elle me connaît fort bien et vous rassurera tout à fait.
    – Not'mère ?
    – Annelette ?
    – Ben, voui. C'est not'mère au jour d'aujourd'hui. Dieu soit loué. En v'là une à qui fait pas bon souffler dans les narines ! À part ça, c't'un ange de douceur et de compassion avec nous autres ! Un ange, j'vous dis.
    À ce portrait séraphique – et n'eût été l'agacement qu'il réprimait avec peine – Leone aurait douté qu'ils évoquaient bien la même Annelette Beaupré.
    – Voulez-vous donc bien la faire prévenir, je vous prie ?
    Les yeux de la portière laïque s'étrécirent et sa bouche adopta la forme d'un cul de poule.
    – Hum… j'm'en débrouille.
    Le judas fut rabattu avec fermeté, indiquant au visiteur que l'échange était terminé.
    Il ne s'écoula pas trois minutes avant qu'un ouragan ne surgisse par l'huis rébarbatif. La grande femme se rua telle une trombe à sa rencontre, bras ouverts :
    – Doux Jésus, Sainte Mère de Dieu… Ah… quelle joie, mais quel contentement… Chevalier… Ah, chevalier…
    Une telle fougue bienheureuse arracha un sourire à Leone :
    – Ma mère, je suis si fortuné, soulagé également de vous revoir enfin. À la vérité j'ai bien souvent songé à vous et vous m'avez manqué. Je ne pouvais espérer mieux que votre élection pour les Clairets.
    – Oh…, se rengorgea l'ancienne apothicaire, tant de louanges que je ne mérite guère ! Mais venez, venez… Que faisons-nous plantés tels deux balais devant la porterie ! Notre bonne Elisaba vous fera porter sous peu dans le bureau une collation et une revigorante infusion.
    Il la suivit le long des interminables couloirs. Les voûtes, si hautes qu'elles se perdaient dans l'ombre, leur renvoyaient l'écho de leurs pas et la buée de leur souffle se mêlait. Francesco de Leone marqua un involontaire arrêt avant de pénétrer dans la vaste salle de travail où il avait souvent rendu visite à sa tante. Annelette lui adressa un petit sourire attristé.
    – Je sais ce que vous ressentez. Moi-même… je me sens si bien dans ce bureau, il me calme, me porte. J'y passe mes jours et une bonne partie de mes nuits en amicale compagnie. Pourtant, je m'y sens également importune.
    – Nulle autre que vous n'y aurait été plus à sa place, ma chère mère. Je vous le dis en vérité. La merveilleuse Éleusie vous aimait, certes comme l'une de ses filles, mais également comme une amie.
    Annelette contourna la lourde table de travail et fixa un point situé au loin avant d'admettre :
    – J'ai toujours eu la sotte vanité de me croire plus forte que les autres. Toutefois, je l'avoue, votre tante me manque terriblement.
    Cherchant un prétexte, n'importe lequel pour dissiper ce moment d'émotion qui la rendait vulnérable, elle souleva une liasse de papiers en soufflant et s'emporta :
    – Et ces papiers, ces listes, ces cartulaires 4 , ces registres… Ça n'en finit jamais ! C'est à vous rendre chèvre la plus méticuleuse des femmes ! Et puis, ma vue baisse… Je dois écrire, tenant ma plume bras tendu, torse reculé. Certes, notre évêque m'a fait promesse de me ramener des béricles 5 de son prochain voyage en Italie. Je vais ressembler à une pauvre infirme 6  !
    – Vous en parlez avec une telle aisance, quand tous les autres le dissimulent, que vous vous accommoderez fort bien de cet attirail auquel peu de nous échapperont, la consola Leone.
    – En effet, la vue de tous les vieillissants faiblit. Que cherchent-ils à faire accroire en prétendant qu'ils y voient aussi

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