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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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sereine, présentant à l'univers l'Enfant divin, une femme. Une femme si belle, si paisible qu'elle semblait un autre réceptacle de l'amour sans fin. Elle se levait sans hâte, tendait la main vers lui, souriante. Elle ouvrait la bouche, s'apprêtant à lui souhaiter la bienvenue en ce lieu. Un flot de sang rouge sombre dévalait vers son menton, gouttant paresseusement sur le devant de sa robe blanche.

    Leone ouvrit brusquement les yeux, reconnaissant avec difficulté la chambrette située au-dessus des écuries qu'il occupait. Il se redressa avec peine dans son lit. Étrange. D'habitude ce rêve persistant le bouleversait au point qu'il s'éveillait trempé de sueur, le cœur affolé, le sang cognant dans les veines de son cou. Pas aujourd'hui. Une sorte d'inexorable calme l'habitait. Le calme qui précède les combats, lorsque toute chose est dite, lorsque plus rien ne peut infléchir le cours du présent.
    Une femme blonde, aux yeux d'émeraude. Une femme qui évoquait un ange. Un ange déchu. Les traits de son visage étaient gravés dans le souvenir de Leone, indélébiles.
    D'obsédante prémonition, le rêve s'était fait message guerrier.

    Torse nu, il s'inonda le visage et baigna ses bras dans l'eau froide de l'alveus. Les frissons qui le parcoururent estompèrent tout à fait la brume de rêve qui s'accrochait encore à son esprit. Il héla un valet de ferme, commanda que l'on selle son cheval et qu'on lui prépare un ballot de nourriture pour deux jours.
    Agnès lisait dans la bibliothèque. Fidèle à sa parole, les seules promenades qu'elle s'était autorisées l'avaient menée d'un bout à l'autre du grand parc.
    – Madame, une affaire urgente requiert mon attention. Je pars pour Chartres. J'y demeurerai sans doute plusieurs jours.
    Elle acquiesça d'un signe de tête.
    – Monge de Brineux, si vous le permettez, s'installera au château durant mon absence.
    Amusée, elle rétorqua :
    – Je ne suis plus une enfante que l'on doit mener par la main, chevalier.
    – Eux non plus ne sont pas des enfants, madame.
    – Certes. Je me dois rendre à Souarcy afin de visiter mes gens, monsieur. Ma parole me contraignant à ne pas franchir l'enceinte du château, je requiers de vous une extension de permission.
    – Elle vous est acquise, madame. Toutefois, votre promesse que votre voyage se limitera à un simple aller et rentrer entre votre manoir et ici et que vous serez accompagnée par au moins deux gens d'armes du comte.
    – Vous l'avez, monsieur. Sur mon honneur.

    Il avala en cuisines un bout de fromage et une tranche de pain tartinée de suif puis sauta en selle.
    L'ange déchu se trouvait à Chartres. Il l'avait senti avant même d'apprendre qu'il s'agissait d'une femme. Il en était maintenant certain. Ne pas penser à elle comme à une femme puisqu'il devait la tuer.
    Une angoisse sourde tenait Leone pendant qu'il chevauchait. Il avait eu grand tort de permettre à Agnès de rejoindre Souarcy. Les routes étaient peu sûres, même escortée. Certes, la dame se défendrait avec fougue, mais que pourrait-elle faire contre cinq ou six malandrins ou hommes de main ? Elle serait cependant protégée par ses deux gens d'armes et, de plus, nul ne savait qu'elle comptait se rendre en son manoir.
    L'envie de revoir les Clairets, de revivre, même fugacement, ce moment d'absolue félicité qui avait accompagné la découverte du manuscrit incompréhensible s'empara de Leone. Il galopait à proximité de la gigantesque abbaye de femmes. N'y résistant plus, il tourna bride.
    1 Tunique.

Abbaye de femmes des Clairets, Perche, octobre 1306
    Leone mit pied à terre devant la porterie Majeure des Clairets après none. Le souvenir du beau sourire de sa tante et mère d'adoption, Éleusie de Beaufort, ancienne mère abbesse enherbée entre ces murs, l'étreignit.
    Élégante Éleusie qui s'esclaffait telle une jeune fille lorsque sa robe s'enroulait autour de ses chevilles, la faisant broncher 1 , alors qu'elle lui enseignait le jeu de soule 2 . Parfois, aux soirs d'été, elle désignait d'un doigt fin une étoile, la plus lumineuse, et déclarait en fermant les yeux de chagrin et d'affection :
    – Donnez le bonsoir à votre mère, mon doux chéri.
    – Est-ce bien madame ma mère que cette étoile ?
    – Certes, c'est ma sœur, ma Claire, la plus étincelante d'entre toutes.
    Éleusie avait trouvé une mort affreuse entre ces murs quand elle ne souhaitait qu'y découvrir la

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