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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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la guide vers l'ascenseur, vers chez lui, puisqu'elle avait accepté quand elle était passée sans dire un mot devant la porte de l'Institut, et à cet instant il l'avait serrée plus fort contre lui - oui, cette émotion et son plaisir d'il y avait à peine quelques heures venaient seuls encore troubler les images de Carlo Morandi, la vision de son corps qui s'approchait du sien, ce malaise et cette attirance mêlés qu'elle éprouvait à chaque fois et qu'elle devinait encore en elle alors qu'elle pensait à Grassi, à la façon dont ils s'étaient aimés, calmement, amplement, leurs corps accordés, leurs souffles confondus, et à le revivre elle se sentait alanguie, moulue, affaiblie, dolente, prise d'une fièvre douce qui lui faisait serrer ses propres épaules, bras croisés.
    Ils n'avaient parlé ni dans la cour, ni dans l'ascenseur, alors qu'ils se tenaient l'un contre l'autre dans la petite cabine vitrée qui montait lentement, illuminant la cage d'escalier restée plongée dans l'ombre. Grassi avait tâtonné pour ouvrir la porte de son appartement. Lorsqu'enfin il l'avait poussée, Joan avait eu le sentiment qu'elle entrait dans un lieu hospitalier dont l'obscurité ne l'inquiétait pas mais, au contraire, la rassurait, et quand elle avait compris à un mouvement de son bras que Grassi allait éclairer les pièces, elle l'en avait empêché.
    Il l'avait soulevée et elle avait accepté d'être portée, accrochée à son cou, sentant tomber par terre sa houppelande. Il s'était arrêté après voir ouvert deux portes; la pénombre était toujours aussi dense, ne laissant deviner que des masses plus noires, des meubles bas sans doute. Joan s'était alors déshabillée ; au froissement d'étoffes qu'elle entendait, elle imagina qu'il en faisait autant, debout près d'elle. Elle fut surprise de la hâte joyeuse qu'elle mit à faire glisser sa jupe, à ôter son soutien-gorge, sans éprouver aucune gêne, aucune hésitation, comme si elle acceptait enfin le désir, trouvait les gestes naturels qu'il imposait, et quand Mario Grassi avait appuyé son corps nu contre le sien, elle avait respiré profondément. Sa course désordonnée s'achevait. Elle avait trouvé la cadence et pourrait ainsi courir longtemps, longtemps.
    Ce n'est que plus tard - peut-être l'un et l'autre avaient-ils dormi? - que Mario Grassi avait allumé une petite lampe posée à même le parquet, à droite du lit où ils s'étaient aimés.
    L'appartement qu'elle découvrit en traversant des chambres qui semblaient vides n'était éclairé que par de rares points lumineux. Placés dans les angles, tournés vers le sol, ils laissaient la plus grande partie des pièces dans la pénombre. Joan distingua cependant les meubles bas qu'elle avait devinés en entrant, des rayonnages, des tableaux engloutis par l'obscurité, peut-être des sculptures, hautes formes écartelées, crucifiées, qui se détachaient, grêles, devant les croisées plus claires. Lorsqu'elle s'assit en face de Grassi dans une boule de cuir souple qui avait épousé les formes de son dos, Joan ne vit de lui que ses mains et ses jambes : le reste de son corps, son visage restaient dissimulés par les jeux d'ombre. Il en était sans doute de même pour elle et il lui plut qu'il ne vît pas ses traits ni les sentiments qu'ils devaient exprimer.
    Elle était émue, apaisée, peut-être heureuse. Elle n'avait nulle envie de partir et pourtant elle allait le faire, peut-être parce qu'elle avait peur des bouleversements qui se seraient produits en elle et dans sa vie si elle était restée là jusqu'au matin.
    Ils étaient demeurés longtemps ainsi, face à face, dans le silence et la nuit. Puis elle s'était levée difficilement : chaque fois qu'elle tentait de prendre appui sur le cuir, sa main s'enfonçait comme dans un plan d'eau, et elle s'était laissée aller à plusieurs reprises, renonçant, recréant un creux où son corps se lovait.
    A la fin, pourtant, elle était parvenue à s'arracher à cette douceur qui l'enveloppait. Puis, sans s'approcher de Mario, elle avait quitté la pièce et ouvert la porte palière.
    Il l'avait suivie.
    Les seuls mots qu'elle prononça à mi-voix au moment de pénétrer dans l'ascenseur, alors que Grassi se penchait vers elle - mais elle ne l'embrassa pas, se collant au contraire au fond de la cabine - furent Joachim de Flore, Joachim de Flore.
    Et elle rit de la surprise de Grassi qui répétait ce nom, s'étonnant elle-même, le lançant

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