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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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de la rivière, et que la jeune femme eût changé de tenue, c'est elle qui se mit à grelotter, allant parfois, et bien malgré elle, jusqu'à claquer des dents.
    Un instant embarrassé, le général des dragons étendit son bras sur les épaules de Marion et l'attira contre lui, sans rien tenter.
    D'une voix douce, pour dissiper sa propre gène, il murmura :

    — Vous ressemblez à un petit chat mouillé...
    — Alors continuez de me réchauffer! répondit-elle en s'étonnant de son audace.
    Elle sentait enfin l'odeur du corps de Tancrède et l'aima aussitôt. Il s'y ajoutait des parfums de forêt, de terre mouillée, de fougère et de cuir: elle eut la certitude que blottie contre l'homme aimé, elle venait de trouver sa véritable place en ce monde.
    Moins serein, profondément troublé, Bamberg avait le sentiment qu'il ne pouvait rien dissimuler, ni son amour, ni son désir et pour de bien obscures raisons, il en fut très gêné. Il tenta aussitôt une diversion :
    — Vous avez beaucoup étonné mes soldats qui vous ont découverte en Sémiramis moderne.
    Elle répondit avec douceur :
    — Sémiramis n'était pas qu'une guerrière, on lui doit aussi les jardins suspendus de Babylone.
    — C'est pourtant la vérité...
    — J'ai étonné vos soldats, dites-vous. Mais vous, vous ai-je surpris?
    Il réfléchit assez longuement puis:
    — En vérité, je ne crois pas. Si, une chose, pourtant: votre grande adresse au pistolet.
    Elle sourit :
    — Monsieur de Pontecorvo m'a enseigné cela et offert trois pistolets.
    — Ah, l'homme du pape. Le roi dit qu'il le veut faire pendre... mais sur un ton d'affection.
    La voiture ralentit devant un petit bâtiment isolé qu'éclairait une lanterne. Il s'agissait d'une maisonnette sans prétentions, à toit de chaume et aux pierres apparentes.
    Ils descendirent.
    Passant près d'un puits, il attrapa la main de Marion en disant:
    — Il paraît que la nuit, pour mieux voir les étoiles, il faut regarder au fond des puits.
    Ils vérifièrent aussitôt. Au fond, sur l'eau sombre, les étoiles brillaient telles des pierres précieuses posées sur un écrin de velours noir.
    Se redressant, elle questionna :
    — Et pour mieux voir au fond des yeux, où doit-on regarder?
    — Il faut regarder l'âme! répondit-il en un murmure.
    Brusquement elle ne sentit plus son corps, comme s'il flottait, sans force, abandonné. Elle eut envie de fermer les paupières mais s'y refusa, l'invite étant alors trop précise.
    Elle avait parfaitement remarqué et interprété la retenue de Tancrède, qu'il fallait comprendre comme un mélange de timidité, de crainte de choquer, décevoir ou attrister.
    Elle fut émue de cela, pour la délicatesse qu'on y pouvait deviner. Ce général de toutes les audaces, devant les femmes, se conduisait comme un petit page fraîchement arrivé à la Cour.
    Elle décida de prendre les choses en main avec cette audace et cette témérité qu'on voit aux femmes, même les plus timides, dès lors qu'elles sont très amoureuses et s'agacent de barrières qui n'ont pas de raisons d'être.
    Elle répondit tardivement :
    — Et quand on regarde l'âme, y voit-on aussi l'amour?
    Il eut un petit mouvement de recul, dû davantage à la surprise qu'à la crainte. Puis il baissa la tête, ne pouvant endiguer un certain accablement né sans doute d'amères réflexions apparues au long des années de guerre :
    — L'amour est une serrure de sable qu'on ouvre avec une clé d'écume.
    Elle trouva la phrase bien jolie, et bouleversante, même, mais sur ce terrain-là, elle ne pouvait livrer bataille. Elle prit donc le parti d'en sourire:
    — Cette définition ne vaut-elle que pour les amours maritimes?
    Il sourit à son tour, puis ils éclatèrent de rire avant de se regarder comme s'ils se découvraient.
    C'était l'instant... Elle allait faire un pas vers lui lorsque... lorsque la porte s'ouvrit, livrant passage à un couple.
    Le moins que l'on puisse dire est qu'ils se trouvaient fort mal assortis. La femme, la soixantaine, vêtue de plusieurs jupes superposées et la tête couverte d'un foulard, ne pouvait dissimuler une certaine corpulence.
    L'homme, lui, paraissait tout son contraire: grand, mince, d'une rare élégance. Le général reconnut le comte de Puissessay. officier particulier du roi.
    Il s'approcha et s'adressa à Bamberg:
    — Sa Majesté a tenu à ce que vous bénéficiiez, ainsi que Mme de Neuville, d'un endroit bien couvert et bien chauffé. C'est le cas de

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