Le Conseil des Troubles
sommet du mur de l'hôtel Von Ploetzen se couvrit de tireurs, lesquels tuèrent aussitôt un artilleur.
Mais aussitôt, de plusieurs fenêtres de maisons situées du côté opposé, on leur répondit par un feu d'une précision très supérieure à la leur. Tireurs d'élite des Opérations Spéciales et de la police secrète, fraternellement unis, l'emportèrent très vite. Dès qu'un tireur de Von Ploetzen apparaissait en haut des échelles, il était immédiatement abattu comme le furent également deux tireurs des toits.
La pièce d'artillerie eut raison des gonds inférieurs et la porte, ébranlée, se trouva entrebâillée. Mais Bamberg ne pouvait trouver son contentement en cela :
— C'est insuffisant, on passe mais un par un. Il faut culbuter le battant gauche. La hausse sur le tiers supérieur, au centre : qu'on la renverse !
Des deux côtés de la rue surgissait l'escadron des Opérations Spéciales, à pied, les montures étant embarrassantes en ce genre de combat. Les dragons s'arrêtèrent sur un geste du colonel de Sereni et une dizaine de soldats, officiant comme grenadiers, jetèrent leurs bombes de l'autre côté du mur, causant des pertes effroyables chez des hommes d'autant plus vulnérables que très groupés, ils se croyaient à l'abri des hauts murs.
Puis, sifflant avec deux doigts en la bouche selon son habitude, Bamberg fit signe aux grenadiers de se retirer et aussitôt que ce fut exécuté, la pièce ouvrit le feu pour la troisième fois.
Sous le choc, la poussée s'exerçant horizontalement et en la partie supérieure médiane, le battant gauche fut renversé et tomba dans la cour, tuant deux hommes.
Aussitôt, sabre levé, Bamberg rallia ses dragons qui attendaient aux deux extrémités de la rue. Sous la conduite de leur général, les hommes aux tuniques rouges investirent la cour.
***
— Dieu, que ces dragons se battent bien !
À demi dissimulé derrière une fenêtre du second étage, Von Ploetzen observait la mêlée dans la cour.
Il nota immédiatement que si ses Prussiens résistaient bien, les truands, à de rares exceptions près, avaient très vite le dessous.
Ces dragons lui semblaient ce qui existait de plus grandement remarquable en l'armée de Louis le Quatorzième même si l'on pouvait parfois redire sur la manière, tel ce géant qui se battait à la pelle de tranchée, ouvrant à chaque coup un visage en deux.
— Cela va trop vite!... laissa échapper Von Ploetzen en observant que les tuniques rouges occupaient déjà 80 pour cent de la cour et repoussaient les défenseurs vers les marches du grand escalier d'honneur.
Il se tourna vers un homme qui ne semblait attendre que cela:
— Vas-y!
*
Bamberg, le front couvert de sueur malgré le froid, se tenait près de Mortefontaine et Pontecorvo. Le général avait été ravi de découvrir en ses deux amis de fameux bretteurs mais c'est un visage inquiet qu'il leva vers le ciel noir sur lequel se détachait une fusée blanche :
— Le diable les emporte!... Ils ont lancé une fusée, aucun doute, ils attendent des renforts.
Il siffla et l'ancien sergent Cipriano, lieutenant depuis la veille, accourut :
— Cipriano, écoutez cela : d'autres vont essayer de nous prendre à revers. Emmenez vingt hommes et placez-les dans la rue dos à dos en deux lignes : un rang genou à terre, un rang debout.
— Alors quatre lignes en tout, monsieur le général.
— C'est exactement cela, lieutenant.
— Bien, monsieur le général.
Comme il allait se retirer, Bamberg le retint, posant une main légère sur l'avant-bras du lieutenant :
— Cipriano, si vous ployez et vous faites déborder, c'en est fini de l'escadron des Opérations Spéciales car ils nous massacreront dans le dos. Je ne veux pas vous accabler de responsabilités, mais vous devez aussi enclouer le canon, qu'ils ne l'utilisent point contre nous. Lieutenant, vous représentez les Opérations Spéciales, la cavalerie, le corps des officiers, la France et, par votre naissance, l'Espagne, un des plus nobles pays du monde. Vous tiendrez, Cipriano.
— Je tiendrai. Et s'ils passent, ce sera sur nos cadavres.
De l'autre côté, Bamberg constata que Sereni maîtrisait parfaitement la situation : les dragons commençaient à monter les marches et on se battait sur le perron. Il esquissa cependant une petite grimace en voyant grimper une autre fusée blanche en le ciel d'hiver :
— Ah, quel dommage... Sans leurs renforts, nous enlevions vivement la
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