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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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terres qui le nourrissaient, mais sans plus. Peu de bêtes dans les métairies, des champs bien cultivés, de belles forêts, des chasses et quelques étangs. Un peu trop de liberté donnée à ses gens, surtout en le village de Montigny où il installait nombre de ses anciens dragons retraités ou mutilés.
    Du côté des choses déplaisantes, on lui attribuait une critique assez vive de la politique royale sur au moins trois points. Ainsi, le sac du Palatinat d'une telle violence que la France fut mise au ban des nations d'Europe : il n'avait pas tout à fait tort. Pareillement, la révocation de l'Édit de Nantes qui précipita hors du royaume, et à jamais, des officiers de talent, des banquiers, des hommes de grande valeur. Il arrivait secrètement à Louis XIV de s'interroger sur la pertinence de cette mesure. Tout comme la persécution contre Port-Royal-des-Champs 2 .
    Il n'était point à revenir sur tout cela mais la critique de Bamberg était fine, ces trois points ne laissant pas le roi en la certitude qu'il eût raison.
    On pensait aussi, sans preuves, que le duc de Bamberg était las des guerres incessantes mais depuis que l'ennemi personnel du roi, Guillaume III d'Orange, Stathouder de Hollande, était monté sur le trône d'Angleterre en 1689 par son mariage avec la fille du roi Jacques II, avait-il le choix ?
    Au reste, ce n'était pas là l'essentiel, Bamberg le servant avec loyauté, quelles que fussent par ailleurs ses critiques. Et la loyauté des Bamberg, depuis des siècles et le geste généreux envers Jean II le Bon, ne s'était jamais démentie.
    Et puis au fond, les critiques du duc, exprimées en cercles restreints, ne prouvaient qu'une chose : son intelligence. Il préférait caresser l'idée d'être servi en ses armées par un tel homme, un de ceux dont on sait d'instinct que tant qu'ils seront vivants, la défaite est impossible.

    Les espions rapportaient qu'en la troupe de Bamberg, ceux des Opérations Spéciales, on avait repris la vieille devise de l'ancienne chevalerie : « Courte, mais bonne ! » En voilà une philosophie de la vie !
    On disait encore que Bamberg, pistolets d'arçon bien en place, chargeait toujours à la tête de ses dragons, enfilant au dernier instant, et juste par élégance, des gants gris perle d'une grande finesse.
    Magnifique !
    On rapportait aussi qu'avec sa petite troupe qui lui était attachée avec fanatisme, il se déplaçait presque toujours de nuit, dans un silence total. Insensible au froid. Passant les rivières à gué, même par un temps polaire. Et qu'il ne perdait jamais sa route, fût-ce dans les marécages ou au milieu d'une tempête de neige. Et s'il avait longtemps entraîné ses troupes lors de conditions extrêmes, c'était afin que ce qui handicaperait l'ennemi lui fût toujours un avantage.
    On disait... Que disait-on encore sur ce diable d'homme?... Qu'il y voyait la nuit comme en plein jour. Qu'il ignorait la maladie, et par exemple la dysenterie qui ravageait les troupes royales : des mois chauds et pourris, les récoltes abîmées, une eau malpropre et en deux ou trois jours, se plaignant de douleurs au ventre en d'horribles cris de souffrance, des régiments entiers étaient décimés car les hommes rendaient presque leurs boyaux par le fondement. Mais pas le duc dont les plaies et blessures guérissaient en quelques jours et qui éteignait le feu sur lui par sa seule immobilité là où ceux qui l'entouraient devenaient des torches vivantes.
    Il fallait qu'il le revoie. Et, dès le matin, comptait donner ses ordres en ce sens.
    1 Tancrède, héros du Tasse dans Jérusalem délivrée (1580), fut un modèle de chevalerie.
    2 Sa destruction fut effective en 1710 sous la pression de Madame de Maintenon et du père Le Tellier, nouveau confesseur du roi. On détruisit les bâtiments, on alla jusqu'à exhumer les ossements des religieuses et des solitaires, poussant l'outrage, par jeu, jusqu'à se bombarder en se jetant ces crânes.

11.
    Le baron de Pomarès, maigre et petit vieillard qu'on n'eût guère soupçonné de posséder un appétit d'ogre, avait cependant manifesté assez clairement que la suite de son fantastique récit dépendait grandement d'un estomac bien rempli.
    Le duc de Bamberg et ses deux compagnons, habitués à se composer eux-mêmes à la guerre de rapides et spartiates repas, servirent donc un bouillon, une pleine terrine, des saucisses, un fromage et des pommes, le tout généreusement arrosé de vin de Bordeaux

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