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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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lourd, trop lourd, sans doute, mais au fond il ne regrettait pas de lui avoir fait honneur : potage épicé, choucroute telle qu'en l'est du royaume c'était plat coutumier, saucissons fumés, boudins, tranches de lard, faisan, fromages, pâtisseries et trois sortes de vin dont deux blancs.
    Il regarda les flammes et, songeur, murmura :
    — D'où me vient qu'aujourd'hui tout me semble si fragile et effrayant?
    Il frissonna de nouveau puis considéra froidement le luxe qui l'environnait. N'était le froid, contre lequel il s'avérait difficile de lutter, même pour le roi de France, tout ici respirait le calme, le confort et la sécurité.
    Louis le Quatorzième s'en trouva heureux et songea à son peuple car la différence de condition lui faisait apprécier Versailles.
    Son peuple ! Ceux des cabanes inconfortables et glacées où l'on dormait près des bêtes. Ses officiers subalternes et ses soldats de l'armée de Flandres claquant des dents dans leurs tentes, voire à même le sol, roulés dans leur manteau. Sans parler des nobles transis en de vieux châteaux glacés aux courants d'air polaires.
    — Oh oui, tout de même, Versailles !
    Depuis qu'il s'y trouvait installé, loin de Paris et de ce peuple qui fut frondeur et lui inspirait toujours un mélange de crainte et de répulsion, le roi n'avait jamais regretté ce choix.
    Il avait parfois le sentiment d'avoir recréé un monde, son monde, ici, en ce château moderne. En 1682, dix ans plus tôt, un intendant avait compté 10 000 personnes à Versailles, en y comprenant les serviteurs, mais le même observateur dénombrait un peu moins de 5 000 « familiers ».
    Le roi sourit et, le regard perdu vers les flammes :
    - Ceux-là, je les tiens bien!
    Sans exagérer son intelligence des hommes, il pensait avoir manoeuvré avec finesse. Ainsi, par ses caprices, il semblait avoir remarqué tel ou tel, puis le traitait avec froideur, obligeant la noblesse à une course effrénée et stupide dont le seul intérêt consistait à appartenir au petit clan des familiers.
    Pour y arriver, tout était bon. On y perdait sa dignité, on s'avilissait, on rampait et on s'y ruinait. Il ne demeurait rien de l'honneur de l'ancienne chevalerie et de sa légendaire fierté telle qu'on la vit à Azincourt. Ah, la noblesse de France s'avançant avec panache vers le goulet où les attendaient ces gnomes d'archers anglais, allant avec dignité vers une mort qui ne faisait aucun doute, et simplement pour l'honneur.
    Cela, c'était le passé. À de très rares exceptions. Oui, il avait réussi cela que la noblesse, abandonnant ses places fortes et se ruinant pour venir à Versailles, perdait du même coup son caractère rebelle. Le roi, qui s'en montrait très satisfait, avait froidement et consciemment brisé la noblesse, la transformant en un troupeau de laquais dont il n'avait plus rien à redouter.
    — Finement joué ! murmura-t-il.
    Il soupira, un peu inquiet tout de même. En effet, ce que le peuple acceptait de seigneurs ombrageux à la main toujours posée sur la garde de l'épée pour défendre « ses gens », il ne le supporterait pas toujours de ces créatures poudrées et fardées, sans âme, sans caractère, vivant en un monde artificiel et devenant des inconnues sur leurs propres terres. En éliminant un danger, il en suscitait un autre, redoutable lui aussi. Mais cela, songea-t-il en souriant sans gentillesse, ce serait le problème de ceux qui lui succéderaient sur le trône de France.
    Il pensa à ces quelques-uns, si rares, que n'attiraient pas les lumières de Versailles. Ou ceux, un pour mille, qui quittaient le palais de leur propre désir. Ainsi d'un noble épousant une simple demoiselle par amour et qui ne pouvait demeurer ici.
    Mais depuis la récente apparition de la diligence, si confortable avec ses ressorts et qui pouvait transporter huit personnes depuis Lyon jusqu'à Paris en moins de cinq jours, le flux ne risquait pas de se tarir.
    Restaient enfin ceux que Versailles laissait indifférents.
    Il se remémora sa crise de colère tout à l'heure, l'affolement dans les services, les messagers partant pour Paris à bride abattue et ce rapport enfin un peu conséquent sur ce curieux Tancrède de Montigny, duc de Bamberg, qui tant l'impressionnait.
    Tancrède, un prénom qui fleurait bon les croisades 1 !
    On ne savait pas grand-chose concernant le lieutenant-colonel chef des Opérations Spéciales. Un vieux château dans le Maine, cette région misérable. Des

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