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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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sachant cependant qu'il ne renoncerait pas.
    Dans la loge, la Champlanet regagna son siège devant le miroir.
    — Merci ! lui dit Marion, presque dans un souffle.
    La comédienne semblait ravie :
    — Marion, je l'ai fait de bon coeur, pour toi, mais je mentirais en ne te confessant point que j'y ai pris un certain plaisir.
    Elle chercha dans le miroir le regard de Marion puis, l'ayant trouvé :
    — C'était la première fois qu'on avait envers toi un geste... de ce genre ?
    — Oui, jamais encore et j'avoue que je ne pensais pas subir un jour semblable affront.
    La Champlanet ébaucha un sourire triste :
    — Eh bien moi, c'est tout le contraire. J'ai grandi, dès la petite enfance, avec des sales mains sur mes fesses et encore, les fesses n'étaient point l'endroit qui blessait le plus ma pudeur enfantine. Ah, que veux-tu, ils sont comme cela et ne changeront jamais.
    Marion suspendit un instant ses gestes :
    — Comme cela... Le sont-ils tous ?
    La Champlanet le pensait, admettant toutefois qu'il pouvait exister des exceptions mais en quantité si négligeable qu'on ne les devait pas prendre en compte. Pourtant elle décida de nuancer sa réponse. Certes, pudique, Marion ne se confiait ni ne s'épanchait jamais mais la comédienne la pensait vierge, les imaginations entièrement tournées vers l'attente d'un homme merveilleux qui ne la décevrait jamais. En attestait peut-être cette manière de la jeune baronne de passer des grandes joies et exaltations, de grandes espérances, à des moments d'abattement.
    La Champlanet n'avait point connu ces états assez répandus chez les jeunes filles qui vivent en le rêve ignorant que la déception venue, c'est leur vie qu'elles rêveront.
    Elle se retint de hausser les épaules en songeant à « la première fois » quand elle n'avait point encore onze ans et que le maître la prit pendant la fauchaison. Le maître, cette canaille qui passait pour un dévot. Ah, la vieille ordure !
    Elle se décida à répondre par un pieux mensonge :
    — Certes non, Marion, ils ne sont point tous ainsi que je viens de dire mais je maintiens que fort peu échappent à cet état de brute tel que ce mousquetaire. Si tu en rencontres un qui soit vraiment gentilhomme, fût-ce avec les plus humbles servantes, celui-là, jeune ou vieux, riche ou pauvre, beau ou laid, ne le laisse jamais repartir.
    — J'y songerai ! répondit Marion qui ne se trouvait pas dupe du discours de la Champlanet, appréciant qu'elle force ainsi ses croyances les plus profondes, et les plus pessimistes, pour ne point décevoir ses grandes espérances.
    Récemment, elle avait surpris dans la bouche d'un courtisan s'adressant à un de ses amis au sujet de la comédienne, et tandis que les deux hommes attendaient dans le couloir, le jugement suivant : « Elle est belle comme un ange mais sotte comme un panier ! » Rien ne lui parut plus faux.
    La Champlanet, qui regardait avidement sa propre image dans le miroir, émit un petit gloussement de plaisir :
    — J'aime beaucoup ainsi que tu viens de me coiffer. C'est nouveau et fort joli.
    Marion regarda très attentivement l'image de la comédienne, rectifia une mèche et, avec le sérieux d'un médecin :
    — À vrai dire, j'y songeais depuis longtemps. Il aura fallu cet incident...
    — Oublie ce prétentieux. Ils sont nombreux ainsi, bourrés d'orgueil et, dès qu'il s'agit d'eux, voyant les étoiles en plein midi.
    — Vous avez raison et je vais m'y obliger.
    La comédienne se leva :
    — Dimanche, je me coifferai ainsi pour aller à la messe.
    — Vous irez à la messe ?
    L'autre sourit :
    — Celle de midi, « la messe des paresseuses ».
    Ainsi nommait-on cette messe où l'on cherchait surtout à se montrer. On y trouvait toutes les belles de la ville. Et tous les galants.
    — Vous m'avez fait peur ! répondit Marion en rendant le sourire.

14.
    Ceux du village de Montigny, et les habitants des fermes alentour, s'amusaient tels des enfants avec les casques, cottes de mailles et lourdes épées des teutoniques et des templiers, vestiges guerriers qui gisaient en tas dans la cour du château.
    Ils avaient, il est vrai, toutes les raisons du monde d'être follement heureux : Tancrède, seigneur de Montigny et duc de Bamberg, venait de leur donner douze chevaux, ceux des combattants qui avaient perdu la vie dans les rudes combats.
    Il était entendu que ces douze bêtes appartenaient à la communauté villageoise. La communauté : une idée à laquelle depuis le XIV e

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