Le Conseil des Troubles
On le soupçonne, rien moins, d'être le seul homme au monde à connaître l'emplacement du trésor des Templiers.
— Et c'est bien entendu absolument faux ?
— Je crois, pour ma part, que c'est la plus stricte vérité.
Il y eut un long silence :
— Vous vous fiez au baron de Pomarès ?
L'Italien tressaillit puis, d'une voix amusée :
— Pomarès, vous savez cela!... Ah, tout de même, tout de même, je vois, cher ami, que vous avez travaillé.
— Oh oui. Mais Pomarès n'est point seul, il y a aussi cet Allemand qui paraît fort dangereux et tout entouré de mystères, Heinrich von Ploetzen. Nos services ne savent pas trop faire la part des choses, chez ces hommes, de ce qui relève de la folie et ce qui pourrait se révéler des informations exceptionnelles.
— Il y a des deux chez le Prussien et ses fanatiques teutoniques mais il ne faut pas en rire. Il a été général, il est reçu dans toutes les cours d'Europe et il est sans pitié. Pomarès, lui, est un vieillard très érudit. Ses travaux sont sérieux, et bien entendu, nous en savons tout, comme si nous lisions au-dessus de son épaule.
Soucieux, Mortefontaine demanda :
— Important, le trésor?
— Le poids d'un cheval en pierreries, principalement des diamants.
Le Français, qui portait à sa bouche un morceau de fromage à la pointe de son couteau, suspendit son geste :
— Mais c'est... considérable! Et en temps de guerre, il y a là de quoi faire basculer la victoire dans l'un ou l'autre camp. Ce trésor est en France ?
L'Italien hésita, puis :
— Oui, bien entendu. Mais nul, si ce n'est peut-être le duc de Bamberg, ne sait où : les Templiers étaient rusés et intelligents et si nous l'apprenons un jour, je crois que l'emplacement de ce trésor nous surprendra par son audace et sans doute sa portée symbolique. Mon ami, ne me regardez point ainsi, j'ignore tout de sa cachette : le saurais-je que je vous dirais en avoir connaissance sans rien vous en révéler d'autre. Malheureusement, ce n'est pas le cas.
Mortefontaine posa son couteau et repoussa son assiette :
— Une chose m'échappe : l'ordre fut dissout voilà quatre siècles, pourquoi avoir attendu si longtemps pour s'inquiéter du trésor?
— Nous en parlions tout à l'heure : « le siècle de fer ». Tout change, la sagesse des hommes des temps anciens disparaît.
— Alors ils ne lâcheront plus le duc de Bamberg. Cela tombe mal, il fascine le roi. Son assassinat serait très malvenu.
— C'est pourtant le plus probable malgré les dons stupéfiants du duc.
— Oui, exceptionnels.
L'Italien s'avança sur ce terrain à pas de loup :
— Des dons qui tiennent à son origine...
— Que voulez-vous dire ?
— Un homme qui guérit si vite ses blessures ? Qui y voit la nuit ? Entend mieux que la plus fine oreille du royaume ? Insensible au feu ?
— Je sais. Mais vous en savez plus long que moi...
— D'après les sages du Temple et leurs... cousins teutoniques, après quatre siècles de la plus longue enquête de tous les temps, ils sont certains que Bamberg serait le dernier représentant d'un peuple entièrement disparu après avoir fondé la plus brillante société de l'Histoire.
Il observa Mortefontaine, bouche bée, et poursuivit :
— Ils sont arrivés à la certitude, comme le Vatican, que Bamberg est le dernier descendant de l'Atlantide.
— L'empire englouti dans l'Atlantique?... Mais c'est... ridicule!... Non?
Pontecorvo promena son regard vers les poutres du plafond du Farfadet ivre et répondit :
— Non. Après tout, les Atlantes devaient être des millions. Pourquoi l'un d'eux n'aurait-il pas échappé au cataclysme. Un sur des millions ?
— Mon Dieu !
— Je suis heureux, s'amusa Pontecorvo, de noter que pour vous, d'habitude si mécréant, Dieu existe à nouveau.
— Mon Dieu ! répéta le major, le regard perdu.
13.
Une pluie froide se mêlait aux rafales de neige et beaucoup, parmi ceux qui se trouvaient à l'abri, remerciaient le ciel de ne point se trouver dehors.
Marion de Neuville, en la loge de la Champlanet, coiffait la comédienne avec soin et toujours ce savoir-faire qui la rendait irremplaçable au théâtre.
La Champlanet, prénommée Amélie, était une superbe jeune femme de vingt-trois ans qui avait déjà tout compris de la réussite à Paris et notamment comment vendre son corps le plus avantageusement qu'il fût possible. On lui connaissait, répertoriés, au moins trois amants qui tous rivalisaient sinon de
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