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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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beauté - ils étaient fort laids - au moins sur le chapitre de la fortune et de la puissance.
    Elle possédait déjà cinq immeubles et il était question qu'un de ses bienfaiteurs, qu'elle appelait indifféremment « mon oncle », lui offre un hôtel particulier faubourg Saint-Germain.
    On annonça Charles de Lagès-Montry mais la Champlanet répondit d'une petite voix pointue :
    — Fais-le attendre !
    Puis, d'un autre ton, s'adressant à Marion :
    — Ah, tu ne le connais pas encore, celui-là!... Plus jeune que les autres mais quarante ans tout de même. Il est, je ne sais plus, général aux mousquetaires et son père, immense fortune, prête souventes fois de l'argent au roi. Qu'en penses-tu ?
    Marion ébaucha un fugitif sourire :
    — Vous savez bien que je ne me mêle jamais de ces choses, ni de les juger.
    La Champlanet, retroussant la lèvre supérieure, inspecta dans le miroir l'éclat de ses dents parfaites puis répondit.
    — Et c'est pour cela que nous t'aimons.
    Marion ne se choquait pas du tutoiement qu'elle ne rendait cependant pas. Ainsi était la comédienne qui semblait ne pas connaître le « vous » à la seule exception des phases de séduction et de ses moments de colère, forts nombreux.
    Portant la voix, sachant qu'on l'entendrait du couloir, elle ordonna à sa servante :
    — Fais entrer.
    Charles de Lagès-Montry pénétra dans la pièce, en uniforme de mousquetaire, le chapeau à la main. Ignorant totalement Marion, il mit un genou à terre devant la Champlanet demeurée assise qui lui tendit une main molle que l'autre s'empressa d'embrasser fiévreusement en disant :
    — Quel bonheur de vous voir. Je tuerais dix mille Espagnols pour un regard de vous !
    « Présomptueux ! », songea Marion qui poursuivit son travail tandis que la Champlanet, reprenant sa main, répondait :
    — Je suis aise de vous voir, monsieur. Je vous présente Marion de Neuville, qui est baronne.
    Lagès-Montry se releva et, ironique :
    — Ce ne serait point la première putain qui se prétend baronne.
    — Comme vous n'êtes pas le premier comte qui se conduise comme un porc! répondit Marion avec douceur, sans abandonner son travail.
    Stupéfait, et comme il se trouvait derrière Marion qui lui tournait le dos, il chercha son regard qu'il croisa dans le grand miroir. Il lut un si profond mépris dans les yeux de la jeune femme qu'il en fut un instant défait, comme lors d'un duel perdu, puis, convaincu qu'il s'agissait d'une femme du peuple et non d'une baronne, la Champlanet cherchant à l'abuser avec la complicité de sa coiffeuse, il palpa d'une main ferme les fesses de Marion.
    La jeune femme se retourna et le gifla avec une telle force que la tête du mousquetaire effectua un quart de tour.
    Malgré la douleur et l'humiliation, le comte fut fasciné par le regard flamboyant de colère de Marion. Elle était si belle, en cet instant, qu'elle éclipsait la Champlanet. Il en fut crucifié, tombant éperdument amoureux.
    Affectant l'air du regret, secouant la tête d'un air désolé et se frappant la poitrine d'un rapide - et léger ! - coup de poing, il s'apprêtait à présenter des excuses lorsque Marion le fit taire d'un geste :
    — Quoi que vous disiez, quoi que vous fassiez, un tel geste ne se rattrape pas.
    La Champlanet, debout, avait vu toute la scène, y compris le geste déplacé du mousquetaire. Mais ce qui la stupéfiait chez Marion, et qu'elle jalousa fugitivement, fut ce mélange de dignité, de spontanéité et de justesse dans l'expression d'un sentiment aussi extrême et peu maîtrisable que la colère. Elle reporta son attention sur Lagès-Montry dont l'air contrit l'agaça fort et, mettant les poings sur les hanches :
    — Ah çà, monsieur, êtes-vous fou ?
    — Je...
    La Champlanet ne le laissa pas achever :
    — Marion de Neuville est une authentique baronne. Son père, et vous êtes impardonnable de ne point le savoir, servait lui aussi comme officier aux mousquetaires du roi et fut tué en service lors de la guerre de Dévolution.
    — Mais... oui, de Neuville, ah, tout à fait, très belle mort...

    Ce n'était peut-être pas la formule la plus heureuse...
    D'un doigt impérieux, la Champlanet désigna la porte :
    — Sortez, monsieur!
    Le général-comte s'exécuta hâtivement, heureux de quitter la pièce pour échapper aux regards durs des deux femmes. Il se sentait oppressé, sachant son coeur captif : il aimait Marion de Neuville et ne voyait point comment faire sa conquête

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