Le Conseil des Troubles
suivent à la guerre qu'ils désertaient lorsque les choses tournaient mal.
Bamberg, comme tant d'autres jeunes nobles sans fortune - dont Worden et La Mothe-Sislées -, avait commencé comme simple soldat avant de devenir officier et monter en grade au mérite.
Il tenta de remonter le moral du capitaine de Mangeot :
— Toutes choses ne sont point mauvaises, en ces changements.
En moins de dix ans, le fusil avait remplacé le mousquet qui tirait un coup toutes les trois minutes quand le premier tirait deux fois à la minute. Pour annihiler le côté féodal de l'armée, on attribuait un nom de province aux régiments et non plus celui du propriétaire. La baïonnette remplaçait la pique. Les cavaliers chargeaient au sabre et les pages à l'épée. L'uniforme était devenu obligatoire, comme le ceinturon et les insignes de grade. Bref, on y voyait plus clair.
De Mangeot allait répondre lorsqu'un général, l'air affairé, approcha et lança avant de disparaître :
— Défilé devant le roi et la Cour dans dix minutes. Soyez éblouissants, messieurs !
Les dragons se regardèrent avec étonnement puis, sur ordre du lieutenant-colonel, les soldats se précipitèrent pour aider à brosser les uniformes des trois officiers tandis que d'autres équipes, à six autour de chaque cheval, s'affairaient au pansage et à la mise en valeur des montures.
On était entre militaires pouvant accomplir tous les gestes les yeux fermés et Bamberg ne douta pas un seul instant que la troupe serait prête à temps.
***
Ni Bamberg, ni aucun homme de son escadron des Opérations Spéciales n'avait de sa vie mis les pieds à Versailles et le jeune duc se sentit perdu.
On lui délégua aux écuries un coureur, sergent aux gendarmes du dauphin, qui ne daigna rien expliquer, indiquant qu'il le fallait suivre tandis qu'il précéderait les cavaliers.
De fait, l'homme courait vite et les cent cavaliers, dans le bruit infernal des sabots, suivaient à un trot soutenu.
Puis, à l'entrée d'une longue ligne droite, le sergent s'effaça, laissant le champ libre aux dragons.
En raison de sa vue exceptionnelle, Bamberg, en tête de l'escadron, perçut la situation des lieux et celle des 300 à 400 courtisans.
Deux pas derrière le roi, en haut d'une terrasse, belles dames et seigneurs attendaient avec la plus vive curiosité cet escadron des Opérations Spéciales appartenant au Maine-Dragons et dont on vantait les exploits depuis le matin. Au reste, on les vantait avec d'autant plus de ferveur qu'on les avait longtemps ignorés - le roi lui-même - car il est un usage bien établi en l'humanité que les médiocres nantis de pouvoirs ont pour habitude de voler les mérites de ceux qui réalisent les exploits sans juger nécessaire de les faire connaître.
Mais l'enquête royale, diligentée en urgence, avait restitué à Bamberg ce qui lui revenait pour l'essentiel.
Le duc allait en tête sur son cheval, Hautain, suivi de Worden et La Mothe-Sislées puis, par front de quatre et sur vingt-cinq rangs, venaient les dragons, officiers, sous-officiers et soldats.
Il était difficile de ne point remarquer sur le bras droit de tous ces hommes les brassards jaunes sur lesquels un sabre et une hache, en rouge, se trouvaient croisés. Ces couleurs criardes eussent pu rassurer, par leur excès, mais tout au contraire, indiquant une troupe d'élite, elles suscitaient des sentiments s'égrenant de la gène à la crainte.
Au troisième rang des courtisans, le jeune marquis de Mennetot se tordit le cou pour mieux contempler le spectacle de ces guerriers au nombre desquels il ne figurerait jamais.
Mennetot n'était guère à son aise.
Son habit le serrait, ses chaussures trop petites lui meurtrissaient les pieds et l'épée qu'il portait au côté le gênait car il n'en avait pas l'habitude. Il se tortilla pour tenter d'échapper à ces multiples désagréments.
Arrivant à hauteur du roi, et sans ralentir son cheval, le duc de Bamberg sortit son sabre en un geste parfait et, pointe inclinée vers le souverain, le dirigea en sa direction, baissant légèrement la pointe, tandis que la troupe regardait fixement devant elle.
C'est à cet instant que, dégringolant de la ceinture du jeune marquis de Mennetot, son épée frappa les dalles de la terrasse en un inquiétant bruit métallique. Et ce qu'il advint alors ne devait jamais s'effacer de la mémoire des centaines de courtisans.
Les cent chevaux stoppèrent à l'instant, certains demeurant
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