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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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ces colonnes venant de l'arrière, d'offensive il ne serait point. Ayant ancré en moi cette conviction, il ne me restait plus qu'à imaginer par quel moyen tarir ce ravitaillement et bouleverser l'organisation de l'ennemi. Je choisis les cent meilleurs de nos dragons et deux impératifs : violence et rapidité de l'attaque.
    — Quelle belle idée que la vôtre !
    Mais la tête du roi piqua vers son assiette pour la troisième fois.
    Bamberg n'en fut point surpris. L'heure habituelle du dîner 1 , une heure en l'après-midi, s'étant trouvée décalée, et Louis le Quatorzième ayant grand faim, il avait mangé vite, beaucoup, sans retenue.
    Ainsi fit-il mauvais parti à une bisque de pigeons, une croupe de veau garnie de côtelettes, un marcassin, un lièvre, un fromage de la Grande Chartreuse et une compote mais au moment des cerises confites, après un dernier verre de vin de Graves, il se pencha vers Bamberg et, demi-somnolent :
    — J'ai hélas une affaire urgente, cher duc...
    Puis, d'un pas incertain, se trouvant déjà presque endormi, il quitta la pièce.
    *

    Louis le Quatorzième à peine sorti, Bamberg sentit sur son avant-bras une main douce et légère.
    Malgré une brève et incompréhensible appréhension, il se tourna vers la marquise d'Ey. Celle-ci parut comme éblouie, ses longs et magnifiques cils battirent à plusieurs reprises tandis que sa prunelle semblait égarée, telle qu'on l'imagine pour les yeux d'une biche affolée, et que sa bouche s'arrondissait, entrouverte, comme si elle prononçait un « Oh » muet.
    Elle se demanda un instant si elle n'en faisait point trop mais se rassura en voyant le jeune général bouche bée, pétrifié, statufié.
    Jamais, aussi loin qu'il remontât en sa mémoire, et même en ses années d'enfance, il n'avait vu femme si belle et surtout si désirable.
    Elle s'ébroua, assez ostensiblement, ce qui eut pour effet de projeter en avant sa magnifique poitrine que Tancrède n'osa regarder franchement, la distinguant cependant en le champ inférieur de sa vision.
    Elle avait une voix assez vive mais surtout, ses grands yeux fascinaient le duc tandis qu'elle lançait :
    — J'ai en partie écouté tout cela que vous disiez au roi et je suis très fière de me trouver aux côtés d'un général si jeune, qui semble invincible et qui ne fait point la guerre comme les autres.
    Bamberg ressentit un certain malaise. Il expliqua :
    — La guerre demeure la guerre, madame. On y tue, et ce n'est pas la chose dont je suis le plus fier.
    Elle parut désappointée mais ne se découragea pas :
    — Il est peu d'hommes capables de réinventer un art aussi ancien, et c'est un grand mérite. Vous ne ressemblez à personne.
    — Que voulez-vous dire ?
    — Je ne sais...
    Elle réfléchit et reprit avec cette fois, et c'était chose nouvelle, un fond de sincérité :
    — Même les gestes les plus simples, chez vous, sont différents. Cette façon vive et adroite, par exemple, de saisir ou de reposer vos couverts, toute cette force qu'on devine ramassée en elle-même, prête à jaillir...
    Il réfléchit un instant, puis :
    — La guerre en est la cause. En tous les métiers existants, être précis est un grand avantage mais à la guerre, c'est le moyen de faire la différence entre la vie et la mort. Quant à la force, il n'est point de secrets : il la faut dompter, la domestiquer et la contenir de sorte que lorsqu'on la libère, elle procure un élan irrésistible.
    — Comme c'est passionnant ! répondit la marquise d'Ey en se demandant sans rougir s'il était d'autres domaines que la guerre où ce séduisant duc pouvait brutalement libérer sa force...
    Cependant, elle se garda bien de révéler pareille pensée.
    À vingt-trois ans, la marquise d'Ey possédait déjà une certaine expérience amoureuse, ayant additionné une douzaine d'amants quand Bamberg n'avait compté que trois maîtresses.
    Et là, leurs vies différaient du tout au tout.
    Ainsi, le duc n'avait jamais fait la cour, et ce qu'on entend par là. Il ne s'imaginait pas, sauf à hurler de rire, récitant des poèmes d'un air inspiré, blanchissant son teint à l'aide de poudre et jouant au petit coeur ami des dames. Les femmes le fascinaient en partie pour tout ce qu'il n'était pas et qu'il découvrait chez elles avec un mélange de respect et d'émerveillement renouvelé devant chacune, même celles auxquelles il ne parlait pas.
    De ce fait, il n'avait point décidé que telle ou telle serait sa

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