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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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les corps de deux des siens, avait fait bouillir ceux-ci afin de récupérer les os pour les envoyer à Berlin. Agissant ainsi, comme aux temps des croisades, il était certain d'impressionner favorablement ses hommes et de leur redonner tout leur mordant.
    Cependant, à voir les regards des Prussiens et de leurs auxiliaires français, on pouvait douter que Von Ploetzen eût atteint son objectif.
    *

    Se levant deux heures avant l'aube et n'hésitant point à forcer l'allure, Bamberg et ses compagnons arrivèrent à Montigny peu après onze heures, sous un ciel bleu mais un air piquant et vif.
    Le duc aperçut l'église et quelques maisons qui brûlaient encore mais il choisit de se rendre directement au château.
    Il y fut accueilli par Florian qui lui fit un rapport succinct et précis des événements et la sécheresse en la narration choqua quelques habitants mais on était entre militaires qui se connaissent depuis longtemps.
    — Des hommes manquent à l'appel, monsieur le duc : Laurent, Guy, Nicolas, Charles le plus vieux des deux et Arnaud, celui de la ferme Maurin. Le magister ne nous a pas rejoints, et point non plus Denis Parizeau, notre ami du Maine-Dragons. On signale aussi que n'est point présente en les murs Julie, la jeune veuve du Tristan Hebecourt. Il est certain que les teutoniques ont perdu deux hommes et j'y vois la main du pauvre Denis. Enfin, les créneaux étant bien garnis de tireuses et tireurs, l'ennemi n'a rien tenté contre le château dont il s'est bien gardé d'approcher trop près. Pour cette raison, et d'autres dont leur ordre parfait, je dirais qu'il y a parmi eux beaucoup de militaires, et de valeur.
    — As-tu vu celui qui les commande ?
    — L'homme au visage voilé de gaze ? Comment ne pas le voir, monsieur le duc, c'est un géant de plus de deux mètres.
    Bamberg demeura un instant songeur et sa tristesse faisait peine à voir. Certes, on n'avait pas retrouvé de cadavre mais il n'entretenait aucune illusion quant à la survie des disparus dont il revit les visages, ou l'absence de visage en le cas de Denis, l'ancien dragon défiguré.
    Il soupira et s'approcha du berceau que les Prussiens avaient cru empli d'uniformes. En fait, il y avait bien là un uniforme mais porté par un tronc, un simple tronc surmonté d'un visage très jeune.
    — Eh bien, Philippe ? demanda aimablement Bamberg.
    Une voix éraillée et faible lui répondit :
    — Tout va bien, monsieur le duc.
    L'homme-tronc appelé Philippe se trouvait aux côtés de Denis lorsqu'ils posèrent la mine contre un mur d'un poste de commandement autrichien. Ses jambes et ses bras furent déchiquetés, un de ses poumons était mort, son foie atteint et pareillement sa gorge mais Bamberg, en pleine nuit, était venu chercher ce corps martyrisé que l'ennemi ne songeait pas même à soigner.
    Le chirurgien de l'armée royale, voyant cela, refusa lui aussi de le soigner mais Bamberg, sans hésiter, enfonça le canon de son pistolet en la bouche du praticien en disant :
    — Fais ton devoir comme il a fait le sien.
    Dix-neuf ans, plus de bras ni de jambes, des atteintes multiples, un corps qu'on déplaçait en un panier d'osier : « grandeur militaire », songea Bamberg avec lassitude.
    Quinze jours plus tard, revenu en l'arrière des lignes, Bamberg s'était aussitôt rendu auprès du malheureux jeune homme. Il avait longuement médité un petit discours mais, devant les grands yeux bleus posés sur lui, tout s'envola et il lui dit tout autre chose :
    — Philippe, si tu ne veux point vivre ainsi dis-le-moi, et je ferai cela aussi.
    Les yeux bleus se levèrent vers un ciel qui ne l'était pas moins puis se posèrent sur Bamberg avec bienveillance :
    — Je ne puis dire adieu à... tout cela. Même ainsi que je suis, c'est encore la vie et la vie est la plus belle des choses. Le vol d'un oiseau, l'odeur du lilas et des roses... Oui, je veux vivre, mais où, ainsi que je suis à présent?
    — En mon village. Tu n'auras jamais faim ou froid et vivras sous ce ciel, parmi les fleurs.
    Bamberg chassa ces souvenirs, se pencha vers l'homme-berceau et, ayant ôté son gant, lui caressa la joue d'un geste fraternel.
    Enfin, se tournant vers Florian :
    — Que tous demeurent ici, toi seul nous accompagnes. Et prépare-toi à voir des choses... des choses... qu'on n'a point encore connues.

37.
    Louis le Quatorzième semblait très maussade et ne paraissait pas loin de faire porter la responsabilité de sa contrariété par le baron de

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