Le Conseil des Troubles
ne savez rien de moi mais je sais tout de vous.
— Décidément, je suis un homme sans mystère...
Pontecorvo sourit :
— Considérez plutôt que je suis un homme bien informé.
— Informé... Jusqu'à quel point?
— Tout ! L'Atlantide, les Templiers et leur fabuleux trésor, l'émouvante baronne de Neuville et la désirable marquise d'Ey. Tout, et qu'on ne vous veut point que du bien. Mais... puis-je entrer?
Bamberg s'effaça puis referma la porte. Pontecorvo jeta un regard attendri au lit :
— Ah, un lit défait par des amants. Quelle émotion !
— Mais... N'êtes-vous point homme d'Église?
Le marquis lui jeta un regard malicieux :
— Parfois je le suis avec ferveur, parfois je le suis moins... Mais préparez-vous tandis que nous parlons.
Son visage devint plus grave :
— Croyez-moi !
Avec des gestes rapides, Bamberg ôta sa chemise et, emplissant une cuvette de porcelaine d'une eau glacée, il entreprit de se raser s'étant longuement lavé, la nuit, après le départ de la marquise d'Ey.
Pontecorvo s'assit sur le lit :
— Donc, général, on vous veut du mal. Et pas seulement les Teutoniques.
Bamberg, le rasoir à la main, suspendit un instant son geste :
— Tiens, vous savez cela aussi ?
— Oui. Quelque chose, en vous, intéresse bien du monde. Certains ont l'air de penser que pour mieux percer vos mystères, il faudrait vous découper en tranches.
— En tranches, je perds beaucoup de mon attrait! répondit calmement Bamberg.
— Ah, j'aime cela : vous savez surprendre. Je vais moi aussi vous surprendre, hélas désagréablement : les Teutoniques ont décidé d'attaquer votre village de Montigny.
Le rasoir à la main, le duc se retourna :
— Ils sont en route ?
— Ils ont une belle avance. Je crois que vos gens savent se défendre ?
— En effet.
Pontecorvo se leva :
— Je suppose que vous vous rendez là-bas ?
— Sur l'instant.
Se dirigeant vers la porte, l'Italien lança :
— Alors je ne vous retarde pas.
— Eh bien... Merci !
Sans se retourner, Pontecorvo agita les mains au-dessus de sa tête :
— Ne commencez pas à me remercier ou vous n'en aurez pas achevé avant longtemps.
***
Le soir tombait.
Bamberg savait qu'il n'avait pas les moyens d'offrir un bon repas et une chambre à ses amis et ses dragons mais, avisant une auberge, il les invita à boire quelque chose en se réchauffant.
Dans la cour se trouvaient quatre convulsionnaires assis sur le sol et gardés par des gens de police.
L'un des énervés saisit la botte de Worden en disant :
— Attention, en cette auberge gîte le diable sous forme d'un âne à tête de tortue et oreilles de loup.
— Merci, camarade, ainsi prévenu, je le reconnaîtrai facilement !
Sur le signe de l'un d'eux, les convulsionnaires se mirent alors à danser sur place en tapant du pied.
Les jugeant trop remuants, les gardes leur jetèrent des seaux d'eau glacée, ce qui eut pour conséquence de les calmer immédiatement.
Bamberg remarqua alors, se tenant à l'écart, un moine tonsuré en robe de bure et un homme vêtu à l'antique, portant barbe et cheveux longs.
Les huit dragons, dans l'auberge, prirent place autour d'une table ronde et Bamberg commanda du vin de Bordeaux. Puis il fit un geste d'invite à un lieutenant de police qui s'inclina, remarquant les hautes décorations, et remercia le duc, lequel expliqua :
— Je ne puis hélas inviter vos hommes car venant de Paris, ma bourse est presque vide.
Le lieutenant de police hocha la tête, signifiant ainsi qu'il comprenait parfaitement la situation puis :
— Toutefois, monsieur le général, ne venant pas de Paris, je peux vous offrir une autre cruche de vin.
— C'est fort aimable à vous, lieutenant, mais vous savez que cela ne serait point selon les usages puisque je suis général... Dites-moi plutôt qui sont ces gens dans la cour.
— Seuls comptent le faux moine et l'homme vêtu tel au temps des Romains. Le faux moine a nom Semillon et a fondé la secte des « Grands Adorateurs de Dieu ». Moyennant quelques pièces d'or, il distribue aux bourgeois le rôle d'apôtre et aux bourgeoises celui des anges. Lui-même se dit le Christ et attend d'être crucifié par les membres de la secte. Cependant, il n'est point en hâte de tenir ce rôle, expliquant depuis de longues années qu'il n'est point encore assez parfait pour être crucifié.
— Et l'autre, l'antique ? demanda Bamberg.
— Il se prétend le prophète Elie et est allé dans je ne sais
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